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lierre, allait toucher le but quand un garçon fit un crochet qui laboura le sable et la retint par sa natte dont le nœud rouge lui resta dans la main.

— Vous m’avez fait mal, espèce de brutal, pleurnicha la fillette, en ramenant ses cheveux.

Il dansait autour d’elle la bamboula du triomphe, lui tirant la langue et agitant le ruban rouge :

— Voilà ce que c’est d’avoir une queue de cheval ! À qui le pompon, le beau pompon rouge ?

Camille les considérait avec envie et dédain. Pendant des années elle avait régné en souveraine sur ce parc. Il ne se faisait pas de parties de barres, de cache-cache ou de chat-perché qu’elle n’eût organisées. Elle avait formé une bande qui se réunissait chaque jour à la même heure et dont elle était le capitaine. Les jeudis et les dimanches, les garçons affluaient. Il arrivait alors à Criquet de répondre à une humble supplique d’admission : « Nous ne voulons pas de filles aujourd’hui, mademoiselle. » On jouait à la guerre, aux voleurs. Comme on lui obéissait et quelles courses folles à travers les allées, quelles expéditions lointaines d’une grille à l’autre, du monument où Chopin se désole sur son piano de marbre, aux ruines de l’étang aux canards !

Quand la bande passait en trombe hurlante, les mères et les nounous terrifiées rappelaient les bébés, les chaises s’abattaient et roulaient, les gens sérieux qui lisaient à l’ombre levaient des yeux mécontents,