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criquet

— Comme on est à l’aise dans ces habits de garçon, pense-t-elle. J’avais une grosse peur que miss ne les eût jetés ! Mas non : ils ont passé l’hiver dans leur placard avec les filets et les paniers de pêche : ils sentent un peu le poisson et le chien mouillé, voilà tout…

Et Camille considère avec un orgueil affectueux sa culotte de serge déteinte et son tricot de laine où des reprises naïves indiquent la place pointue des coudes. Elle tâte la bûche creuse — son carquois ! — teinte en ripolin brun, suspendue à sa taille par une lanière, et d’où sortent la pointe de son arc détendu et les têtes de ses flèches, hérissées de plumes. Elle abaisse jusqu’à son nez son béret rouge, écarte d’un geste brusque ses mèches rousses, et de nouveau plonge d’un air crâne ses deux mains au fond de ses poches.

— C’est agréable, les poches ! Tiens ! Qu’y a-t-il là-dedans ?

C’est un livre recouvert de carton gris, revêche, usé, fripé, arrondi aux angles. Camille le reconnaît avec enthousiasme :

— Mon Télémaque que j’ai tant cherché !

Elle le contemple, le tourne, le retourne, le flatte de la main, l’approche de sa joue, de ses lèvres. Il n’est pas beau, oh ! non, mais que de choses il lui rappelle, et si vieilles ! Vieilles d’au moins cinq ans…

Elle venait d’être très malade. Sa tête était si lourde