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criquet

allées élargies par l’automne fuyaient vers des fonds de brume poudrée de rose que rayaient les troncs penchants et frais lavés.

Camille, son institutrice et ses frères passèrent le long de l’étang taché de feuilles en mosaïque, des massifs d’asters mauves que la pluie avait foulés, puis miss Winnie s’assit sur un banc, en face d’un tronçon d’arbre, coiffé à la mode d’un large chapeau cloche en lierre, posé un peu sur l’oreille. Elle tira aussitôt d’un réticule de ficelles tressées son inséparable grammaire de Brachet et Dussouchet, et se mit à réciter avec acharnement : « Amours, délices et orgues prennent le féminin… »

Criquet regardait autour d’elle pour découvrir un visage ami. Personne. Rien que des tout petits, qui râclaient la terre avec leurs pelles aux pieds de la nourrice ou se poursuivaient en chancelant sur leurs courtes jambes grasses.

Un garçonnet et une fillette tournaient autour du banc avec timidité. Ils chuchotaient en épiant Criquet, mais quand elle les regardait à son tour s’éloignaient bien vite, l’air effaré. Tout à coup, pourtant ils s’élancèrent vers les deux garçons, occupés à compter et à comparer leurs billes.

— Voulez-vous jouer avec nous ? demanda la fillette, d’une voix tremblante.

— Je veux bien, répondit solennellement un des garçons.