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criquet

Un regard à la loge du concierge dont les meubles de velours vert renvoient un parfum d’oignon et de gras de bouilli, et Criquet d’un bond se trouva dans la rue.

Les trottoirs étaient si étroits qu’elle devait passer tantôt devant, tantôt derrière miss Winnie ou bien descendre sur la chaussée en évitant le ruisseau boueux et les automobiles. Il venait tout juste de pleuvoir ; à chaque coin de rue le vent sournois soulevait sur sa tête le chapeau de Criquet en lui tirant les cheveux. Comme elle regrettait son béret, enfoncé jusqu’aux sourcils et qui tient les oreilles au chaud ! Sans cesse elle se cognait contre des gens qui sentaient le vieux caoutchouc et tenaient devant eux comme à la parade leurs parapluies aux jupes ruisselantes ; et le regard aussi se cognait partout, aux murs galeux, au ciel bas, à l’air chargé de fumées et d’odeurs rancies. Après trois mois de mer et de grand air libre, que Paris semble laid, sale, mesquin !

Elle entendait trop le bruit de ses talons claquant sur l’asphalte et songeait tristement aux sandales qui vous font une allure souple et muette de sauvage ou de tigre. Avec des souliers on est juché sur des échasses ; c’est dur, cela serre ; les bas aussi piquent et emprisonnent les jambes.

Criquet lança un regard maussade sur les mollets nus de ses frères qui trottaient en avant, appuyés l’un sur l’autre ; les garçons ont toutes les veines : on leur