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regard de colère : ces garçons ont toutes les chances et ne font que du mal !

L’ombre devenait plus rousse, l’heure plus mélancolique. On entendait le tic tac balancé de l’horloge, le sifflement du varech et du bois humide dans la cheminée d’été, encore vide de cendres. Une écharpe de vent et de pluie enveloppa la maison qui gémit. Les lèvres pâles de madame Dayrolles, tirées sur ses dents un peu écartées, laissaient passer un souffle rapide et saccadé comme une plainte. Une angoisse vive serra le cœur de Camille.

« Pauvre maman », pensa-t-elle avec une tendre pitié.

Et songeant à son père, robuste, actif, le visage plein et joyeux :

« Ce n’est pas juste », ajouta-t-elle.

Tout à coup elle saisit les doigts de la malade, de longs doigts moites et trop souples et tandis que celle-ci sursautait :

— N’est-ce pas maman, lui dit-elle, que la vie des femmes est triste ?

Madame Dayrolles la considéra une seconde avec étonnement et intérêt, puis elle haussa les épaules et répondit en souriant faiblement :

— On ne peut pas dire ça, à ton âge, avec ta santé !

Fallait-il confier à sa mère qu’elle se sentait vieille, malheureuse, isolée ? Camille hésitait : déjà madame Dayrolles était retombée sur ses coussins et reprenait