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Criquet songeait que depuis sept ans elle avait toujours connu sa mère dans le même état, ne quittant sa chambre ou sa chaise longue que pour des eaux lointaines d’où elle revenait plus plaintive et plus énervée. Dans son égoïsme de petit animal vivace, l’enfant ne songeait guère à s’étonner ni à s’en affliger. Souffrir était aussi naturel pour sa mère que pour elle-même sauter et jouer. Peu à peu madame Dayrolles s’était effacée de la vie de Criquet qui n’avait d’autre souci que d’éviter sa présence ; car auprès de maman, il fallait parler bas, ne pas faire de bruit ; jamais elle ne semblait être tout entière avec vous, elle vous écoutait d’un air distrait, fermait bientôt les yeux, se détournait ou vous renvoyait d’un geste las.

Maintenant, saisie d’un remords léger, Criquet pensait à tout ce qu’il pouvait y avoir de souffrance dans cette forme frêle et dans ces traits crispés. Des phrases lui revenaient qu’elle avait entendues à l’office : « C’est une maladie de femme qui la tient. »

Les femmes, avec si peu de joies, avaient-elles encore des maladies à elles ? La cuisinière un jour avait prononcé : « Ça lui est venu à la naissance des gosses. Aussi, cette idée d’avoir des jumeaux quand on est si peu de chose ! »

Ils étaient là, dans un coin, bouclés et joufflus, très affairés à construire des aéroplanes avec des chiffons et des allumettes. Criquet leur lança un