Page:Viollis - Criquet, 1913.djvu/147

Cette page a été validée par deux contributeurs.
135
criquet

fourmi. Tu vois celle-ci qui ressemble à un bousier ? Quand je lui offre un œuf de fourmi, lourd et jaune, une vraie petite motte de beurre, elle le prend dans ses pinces, se renverse en arrière comme un déménageur qui boit à la bouteille, et quand elle le lâche, ce n’est plus qu’une vieille peau flasque…

Une silhouette apparaît à l’entrée du jardin, une voix appelle :

— Camille ! Camille ! Où êtes-vous, Criquet, mon enfant ? C’est votre heure pour l’anglais.

— Eh ! bien, dit Marc, si miss Winnie voit les bêtes dans le sac…

— Le beau sac de tante Éléonore ! ajoute Maurice.

Criquet enfonce un peu rudement la jardinière aux écailles d’or dans la terre de son nouveau logis, ferme le sac d’une main preste, l’essuie d’un coin de son chandail et le passant à son bras, s’avance du pas innocent et délibéré d’une jeune fille qui n’a dans son réticule que son mouchoir, sa bourse et sa houppette à poudre de riz.


Parfois Criquet prenait son arc, son carquois et s’en allait sur la lande qui abaisse son échine épineuse jusqu’au sable blond de la grève. Elle tournait le dos aux cabines et suivait des sentiers, creusés en sillons dans l’épaisse fourrure des genêts épineux, posait de temps à autre sur son arc une flèche teinte en rouge, la regardait filer en sifflant, disparaître dans