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salive, elle les astiquait soigneusement : aux grands jours, elle allait même quêter une goutte d’huile à la cuisine. Puis, lorsque ses élèves étaient bien nets et bien luisants, elle leur chatouillait le ventre : ils étendaient et bougeaient leurs pattes, ouvraient en éventail les antennes de caoutchouc blond qui leur donnent l’air si avisé et elle entamait leur éducation : grimper et descendre le long d’une baguette, tirer un petit chariot de carton, voler en enlevant un aéroplane de papier blanc : la vie utile et glorieuse, quoi !


Les garçons reviennent bientôt en galopant ; l’un d’eux brandit quelque chose de rouge.

— Attention ! crie-t-elle inquiète, animée, attention ! Il y a quelqu’un dedans…

D’une main fiévreuse, elle ouvre le sac, — « un superbe article de maroquinerie », a dit tante Éléonore en le lui offrant pour sa fête — il est rempli de terre humide où grouillent des vers, des cloportes, des mille-pattes, des perce-oreilles, toute une faune rampante et répugnante, et aussi de menus insectes vifs aux carapaces bleues ou brunes.

— Que de bêtes ! Et qu’elles sont drôles ! s’écrie un des petits avec extase. Où les as-tu trouvées ?

— Sous une grosse pierre qu’on n’avait pas soulevée depuis dix ans peut-être.

— Et qu’est-ce que tu leur donnes à manger ?

— Ça dépend. Elles aiment beaucoup les œufs de