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criquet

J’enfilais une robe et je courais au jardin avec ma petite natte serrée qui sautait sur mon cou, mes pieds nus dans mes sandales. Les pétunias de la corbeille montraient la doublure rose de leur robe ; ils dormaient encore, fermés et appuyés les uns sur les autres ; des gouttes de rosée tombaient des branches d’arbre le long de mon dos et sur mes bras… »

Elle débouchait le flacon et vite le portait à son nez : ce n’était qu’une effroyable odeur de plantes pourries et d’eau corrompue ; chaque fois, elle en ressentait d’abord une douloureuse surprise, puis elle recommençait, pleine de confiance. Hélas ! elle sait maintenant que les parfums se fabriquent avec des fleurs distillées et de l’alcool : elle n’a plus aucun plaisir à en faire… Si, tout de même, à cause des petits qui, eux, ne savent pas encore…


— Une bête, Criquet, une bête dans l’allée ! annonce Maurice.

C’est une jardinière aux écailles rayées vert et or qui se hâte gauchement sur ses longues jambes minces. Criquet la saisit par le corselet et regarde : la bête agite son ventre mordoré, croise et décroise ses pattes, essaie de mordre avec ses petites pinces d’écaille rousse sous ses cornes remuantes, puis, désespérée, crache une grosse goutte de liquide brunâtre.

— Ça sent la fourmi, fait Criquet, en passant son doigt sous les narines des petits.