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criquet

travers les vitraux du vestibule ; elle avait couru vers sa sœur, en pleurant :

— Suzanne, est-ce que j’ai les yeux en verre jaune ?

On n’avait pas compris, elle n’avait pu s’expliquer, mais depuis elle gardait le souvenir bizarre dont elle savait à peine s’il était chimère ou réalité.

Ils se trouvaient maintenant tous trois dans le jardin aux murs crevassés et barbus. Criquet l’aimait, ce jardin. Là, dans les allées où les fleurs pressées débordent, sous les bras noirs et les feuilles plates des figuiers trapus, elle se sentait tranquille, confiante, protégée. On aurait dit que le temps lui-même s’y arrêtait et on y respirait un air st brûlant, si lourd du parfum des fleurs mêlées et des fruits trop mûrs, que le cœur engourdi s’endormait…

— Qu’est-ce qu’on va faire, dis, Criquet ? demande Maurice en piétinant d’impatience.

— Tu es encore dans la lune, ajoute Marc, on s’ennuie, nous !

— Laissez-moi réfléchir, je vous dirai ça tout à l’heure, répond Criquet.

Elle se promène lentement en s’éventant de son béret, pendant que les buis frôlent ses jambes nues. Elle examine les bégonias roses qui lui rappellent le visage en cire des poupées anglaises, les dahlias simples, ronds avec un gros œil jaune et les pensées dont certaines ont des figures de vieux singes à favoris. Il y a aussi des pétunias doubles, gaufrés et