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criquet

taient sur les massifs. Maintenant le soleil, la pluie, le vent existent encore, mais tout est terne, décoloré, jaune… Oui, jaune…

— Tu sais ce que c’est que de la santonine, Marc ? demande brusquement Criquet.

— Oui, répond le petit, c’est un remède pour quand on a des vers…

— Et quand tu as mangé ton chocolat à la santonine, tu ne remarques rien ?

— J’ai un peu mal au ventre… je crois.

Il la regarde de ses yeux arrondis et sa bonne figure joufflue exprime la stupéfaction.

— Pourquoi demandes-tu cela ? dit Maurice à son tour.

— Pour rien.

— Alors, tu es folle ?

Il s’échappe, fait trois bonds en arrière, frotte un de ses index sur l’autre, la nargue en chantant :

— Criquet est folle, Criquet est folle !

— Attends un peu que je t’attrape !

Et Criquet poursuit le bambin qui hurle de plaisir et de peur.

Mais en même temps : « Ai-je rêvé ? » se demande-t-elle. Elle songe à une tablette de santonine mangée un matin, lorsqu’elle était petite. Elle était sortie sur la pelouse un instant plus tard : alors, les corbeilles de fleurs, les allées, les arbres lui étaient apparus couleur d’ocre, comme si elle les avait regardés à