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sa chère île dont tant de fois elle avait rêvé dans cette ville d’hiver. Dire qu’un jour peut-être elle regretterait de les avoir perdues, ces dernières semaines d’enfance et de liberté !

Ses frères eux-mêmes se détachaient d’elle ; depuis qu’ils la voyaient distraite, absorbée, oubliant parfois de répondre à leurs appels, s’arrêtant brusquement, l’œil fixe, la mine chagrine, au milieu d’une partie de cache-cache ou de barres, depuis qu’elle n’avait plus leurs surprises, leurs joies, leurs ardeurs, ils ne l’appelaient pas pour jouer.

Certains jours pourtant elle se décidait encore à essayer les jeux qui naguère la passionnaient.

— Venez, les gosses ! appelait-elle. On va s’amuser.

Elle les prenait par la main et ils se mettaient à courir tous trois, eux gambadant et criant :

— Plus fort, Criquet, plus fort…

— Mes pieds vont toucher mon dos. Je tombe, je tombe, Criquet !

Et des rires, des éclats de joie !

Camille s’efforçait de rire avec eux, comme autrefois, lorsqu’elle éprouvait des plaisirs aigus sans cause, parce que le soleil était chaud sur la pelouse, que le vent soulevait son grand col, ses jupes courtes et que des feuilles vertes tourbillonnaient dans l’air. Elle criait alors de bonheur quand la pluie fraîche entrait dans ses cheveux, quand la tempête faisait craquer les arbres et que des branches mouillées s’abat-