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criquet

Suzanne, gentille, lui disait parfois :

— Tu es bien seule, mon pauvre Criquet ? Viens donc là-bas avec moi cet après-midi.

Criquet restait un instant hésitante :

— Non, faisait-elle enfin, il faudrait m’habiller, et puis… et puis ça m’ennuie.

— Comme tu voudras, répondait Suzanne, un peu vexée. Si tu veux rester toute la vie une sauvage…

Là-bas, c’était la Négraie, la propriété de madame Bourgoin. Les rares baigneurs de l’île s’y réunissaient chaque jour autour du tennis et Suzanne ne manquait jamais au rendez-vous. Il y avait des dames en robes claires, en chapeaux de mousseline, qui riaient et babillaient, et quelques messieurs aimables, en costume de flanelle blanche.

« Je me sentirais gênée comme un ours, songeait Camille. Oh ! Michel, Michel, comme tu me manques, et comme je voudrais être un garçon ! »

Partout et toujours elle traînait son inquiétude et son souci ; il lui restait si peu d’espoir, maintenant ! Elle avait même cessé ses prières, les sentant inutiles. Un plan s’ébauchait bien dans son esprit, un plan gigantesque et désespéré, mais il fallait pour le réaliser attendre la fin des vacances.

À Paris, d’ailleurs, avec les leçons, les devoirs, le piano, le dessin qui découpent la journée en petites tranches monotones, elle n’aurait plus guère le temps de penser. Elle souhaitait presque quitter son île,