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que si j’essaye de parler d’autrefois, elle rit, elle rit toujours, de ce joli petit rire que j’aimais tant, que je déteste ?

Jacques lui-même se mit à ricaner, amèrement.

— Mais attrape-la donc un jour dans sa chambre, dans le salon, et dis-lui que tu l’aimes, que tu es triste, que tu en mourras… Ça se passe toujours comme ça dans les livres…

— Dans les livres, c’est facile… Mais moi, je n’ose pas…

— Tu n’oses pas, avec Suzanne ? s’écria Criquet stupéfaite. Ah bien !

— Non, là ! fit Jacques avec colère. J’ai essayé. Ça ne sort pas…

Il arrachait et jetait en l’air des poignées d’herbes qui lui retombaient sur la tête.

— Et puis, continua-t-il, je serai bien avancé quand elle me dira que c’est fini. Il ne me restera même plus un pauvre petit espoir… Je lui ai écrit une longue lettre ; elle est là, je la relis, je pleure dessus ; mais je n’ose pas la lui donner ; j’ai trop peur qu’elle ne rie…

Camille, les tempes dans ses deux mains, le regardait avec pitié. Elle aussi avait souffert à la pensée de Michel riant sur sa lettre ; elle aussi avait presque pleuré sur les lignes si courtes et si sèches qu’elle avait reçues. Elle n’était pas amoureuse, pourtant.

— Écoute, fit-elle tout à coup avec résolution,