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cile qui tourne autour d’elle depuis quinze jours, qui l’attendait encore tout à l’heure sur le chemin.

— Monsieur d’Ailly ? fit Criquet, qui n’ignorait rien. Mais, Jacques, c’est presque un vieux monsieur…

— Un vieux monsieur ? Tu es folle… Il n’a guère plus de trente ans… L’âge où ces messieurs se rangent, se marient… Et celui-ci, paraît-il, peut se payer, en outre, le luxe d’être désintéressé… C’est ta mère qui le disait l’autre jour en énumérant ses mérites : fortune, famille, distinction, intelligence, éducation, tout y est, paraît-il. Et une figure qui fait tourner la tête à toutes les femmes… Une tête d’idiot ! ajouta-t-il rageusement.

— Voyons, Jacques, tu te trompes, fit Criquet d’un air raisonnable. Comment Suzanne pourrait-elle préférer ce monsieur qu’elle n’avait jamais vu il y a un mois à toi qu’elle a toujours connu ? Ce n’est pas possible ! Tu te rappelles bien qu’étant petits vous ne vous quittiez pas. C’était comme Michel et moi… Excepté que Michel et moi nous sommes deux garçons… Tu lui donnais des fleurs et des bonbons, à Suzanne ; tu lui refaisais sa natte, elle te nouait ta cravate… On disait toujours que vous seriez mari et femme. Tu l’as donc oublié ?

— Moi, oublier quelque chose de Suzanne !… Mais à quoi bon, puisque elle se sauve maintenant quand j’arrive, que ses regards ne se posent jamais sur moi,