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ils pussent se souvenir. Quand Michel avait dit : « Jacques est amoureux de Suzanne », Criquet avait accepté la nouvelle, sans surprise et sans enthousiasme, comme une chose attendue.

« Il l’aime ? avait-elle pensé. Bon, elle l’aime aussi sans doute, ils se marieront. » Ses soucis personnels ne lui avaient pas laissé le temps de réfléchir à un cas si simple.

Mais depuis le départ de Michel, seule et désorientée, elle avait eu plus d’une occasion de remarquer que son cousin n’était pas heureux. Il demeurait des heures entières dans sa chambre, en sortait avec les yeux rouges, se promenait des journées tout seul et, sous prétexte de pêcher à la ligne, s’enfouissait dans quelque trou de rocher ou dans ce petit bois, le seul coin obscur de l’île.

— C’est comme dans les livres anglais, observait Camille. On y rencontre des tas de garçons et de filles, de cousins et de cousines. Aux premières pages, ils jouent ensemble, ils travaillent, ils se battent, ils sont contents, c’est amusant. Puis, deux garçons se mettent à avoir de l’amour pour la même fille ou deux filles pour le même garçon. Alors, ils pleurent, ils se séparent, ils se brouillent, ils se raccommodent, ils se fiancent et le livre devient assommant !

Voici la lisière du bois qui s’élève, sombre et fraîche, au-dessus du champ pelé, tournant vers la mer le dos bossu que lui fait le vent du large. Criquet franchit