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Camille s’arrêta, indécise. Au fond, elle n’avait pas l’intention bien sérieuse de chercher Jacques : un prétexte pour sortir seule, voilà tout. Elle tapotait la boîte de fer-blanc pendue à son épaule ; il y avait là-dedans du fil de fouet, des hameçons, des sauterelles et des petits escargots blancs, car elle comptait pêcher à la ligne, du haut du rocher à pic sous lequel l’eau est si verte et si lisse…

Mais elle emportait aussi un roman de Walter Scott et, par cette chaleur, ne serait-ce pas charmant de lire, juchée sur un arbre du bois, en sandwich entre deux tranches de feuilles étalées ? Puis, elle verrait Jacques…

Elle obliqua par un champ moissonné dont les chaumes piquaient ses pieds à travers les courroies de ses sandales, et, en avançant avec précaution, elle pensait à son grand cousin. C’était la première fois depuis qu’elle le connaissait, c’est-à-dire depuis sa naissance. Autant Michel avait été mêlé à tous les épisodes de sa vie, autant Jacques y était resté étranger. Il était le fils de tante Éléonore, il avait un nez, des yeux, une bouche comme ça, et cet ensemble s’appelait Jacques, quelqu’un qui n’était ni triste, ni gai, ni gentil, ni désagréable, qui arrivait et partait sans vous causer de joie ni de chagrin, — Jacques enfin.

Il lui témoignait la même indifférence. Peut-être n’avaient-ils pas échangé en tout dix phrases dont