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qu’une enfant distraite et gourmande qui de nouveau va pécher. Depuis, elle n’a jamais pu retrouver en faisant sa prière les grands élans qui brisent et soulèvent.


Tant pis ! D’un geste brusque, elle écarte les vieux souvenirs importuns et bondit vers le fossé où elle aperçoit un îlot de menthes vertes. Elle en cueille une branche, choisit près du cœur une feuille velue doublée de duvet d’argent, et la pose sous sa langue.

« Ça pique comme du poivre, mais ça rafraichit mieux qu’un verre de bière ou de limonade. »

Elle connaît toutes les plantes, non pas sous le nom barbare que leur donnent les botanistes, mais par la couleur, le parfum et surtout par le goût : elle a tout essayé. Elle sait que les pétales du trèfle sont bien meilleurs après la pluie, quand le soleil échauffe leurs fuseaux gonflés de liqueur sucrée, et que les vrilles des vignes, en cornes de limaçons, ont une saveur aigre qui mouille la bouche. Elle aime les jeunes pousses, un peu amères, des tilleuls, les brindilles rosées de l’oseille sauvage dont le jus fait tordre le nez et serrer les lèvres, les petits oignons des champs au goût de phosphore, les fleurs de mauve, douces et grasses comme ces pâtes d’Orient que vendent des hommes à bonnets rouges, les tiges des longues herbes à panaches, asperges menues et tendres… Et elle se passe sur le visage avec délice les