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criquet

— Au moins, lave-toi la figure et les mains avant de sortir, recommande-t-elle avec humeur ; se barbouiller d’encre à ton âge, quelle habitude déplorable !

Et tandis que Camille bondit hors de la pièce, elle entend sa tante gémir :

— C’est affreux vraiment d’être veuve et abandonnée avec un grand fils !


Criquet s’en allait maintenant à petits pas sous le soleil, le long de la route inégale et blanche. Des touffes d’herbes jaunies craquaient sous ses pas, des bourdons et des guêpes pendaient assoupis aux fleurs rouges des chardons et les lézards, avec un bruit de feuilles froissées, filaient entre les pierres où l’on apercevait une seconde le bout de leur queue ronde et grise.

— Ah ! si je savais siffler, pensait Camille avec regret, ils s’arrêteraient, tourneraient vers moi leur tête pointue aux yeux d’or et je verrais trembler leur petite gorge…

Alors, tout de suite, comme rappelée au sentiment du devoir, elle récita « Ô Marie, conçue sans péché, faites que je devienne un garçon… »

Elle répétait la phrase machinalement, les lèvres molles, les yeux distraits. Au fond, elle ne croyait guère au succès de ses invocations. Mais puisque tout secours terrestre lui faisait défaut, pourquoi ne pas s’adresser à ceux qui sont là-haut et qui peuvent tout ? Si pourtant la Sainte Vierge voulait…