Page:Viollet - Les poètes du peuple au XIXe siècle, 1846.djvu/71

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
61
ALEXIS DURAND.

Des champs du Borysthène aux campagnes de Rome
Promena, triomphant, les drapeaux du grand homme ;
Vieux, il est jeune encore et porte avec orgueil
Des traces qui cent fois l’ont dû mettre au cercueil ;
Ulm, Austerlitz, léna, Wagram en lui respirent ;
La patrie et l’honneur sont les dieux qui l’inspirent ;
Le roi, les grands, l’armée et le peuple inconstant
Rendent à sa valeur un hommage éclatant.

Ainsi le poids des ans, le courroux des tempêtes,
Et le spectre hideux qui moissonne les têtes,
Ensemble t’ont porté les plus terribles coups.
Ferme comme un héros tu les a bravés tous ;
Et tu règnes en paix sur la longue avenue,
Les pieds au noir abîme, et le front dans la nue.
Oh ! que n’ombrageais-tu ces bois religieux,
Dont la Fable raconte un fait prodigieux !
Aux temps où, consacré par de nombreux miracles,
Un chêne à haute voix prononçait des oracles :
Chez ce peuple, où l’erreur prodiguait les autels,
Ta gerbe eût obtenu l’hommage des mortels ;
L’aigle de Jupiter, traversant l’empirée,
Eût arrêté son vol sur ta cime adorée ;
Et les Nymphes des bois, aux gracieux contours,
Auraient voulu t’offrir le tribut des beaux jours.
Tons les Dieux…. mais, que dis-je, étrange conjecture
Ne les as-tu pas vus ces dieux de l’imposture ?
Non ceux que, de Byzance et du pays latin,
Pour le Dieu de Solyme a chassés Constantin ;
Mais les Dieux impuissants de nos aïeux barbares ;
Ces monstres adorés sous cent formes bizarres ;
Divinités des Francs et des rois chevelus,
Et dont l’âge a brisé les temples vermoulus.

Certes, tu peux du moins, vieillard mélancolique,
Avoir ouï les sons de la harpe gallique,