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ALEXIS DURAND.

Que de faits jusqu’à nous ne sont pas parvenus,
Qui seraient à l’instant dévoilés et connus !
Monarque des forêts, à la forme androgyne,
Tu nous révèlerais l’incertaine origine
Du Palais de nos rois et de Fontainebleau.
Ce nom fut-il celui d’un chien nommé Bléau,
Qui, pressé par la soif, fit, en creusant l’arène,
Jaillir les flots bruyants d’une claire fontaine ?
Tu nous affranchirais de cette obscurité.
Et toi, contemporain de ma belle cité,
Es-tu le premier né de la vaste famille
Qui, sons son humble écorce, autour de toi fourmille ?
Sans doute aucun rival ne vit à son berceau
Les temps où tu n’étais qu’un fragile arbrisseau.
Qu’est devenu celui qui déposa ton germe ?
Quel mortel à tes jours peut assigner un terme ?
D’un siècle qui n’est plus orphelin solennel,
Comme ta vieille mère es-tu donc éternel ?
Oh ! j’en eus la pensée, à ton air, à ta forme,
À l’immense contour de ton colosse énorme.

Cependant tu vieillis ; ton front depuis longtemps
Porte l’affreux cachet du conrroux des autans ;
Soit que, pour conserver l’agréable et l’utile,
Tu te sois dépouillé d’une branche infertile,
Soit qu’un malin esprit t’ait ivré sans vigueur
Au souffle rugissant de l’aquilon vainqueur ;
De ton épais feuillage une palme superbe
D’un effroyable coup fut atteinte, et sur l’herbe
Tomba comme un débris précipité des cieux.
L’endroit qu’elle occupait afflige encore les yeux.
Mais ce léger revers facilement s’oublie,
Et ta mâle beauté n’en est pas affaiblie.

Tel on voit, dans les rangs de nos jeunes soldats,
Un héros qui, vingt ans, sous le feu des combats,