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ment de guerre fut très-fréquemment adopté. Il préservait mieux des coups de pointe que ne pouvait le faire la cotte de mailles, et fatiguait moins le cavalier en s’adaptant mieux au corps. Beaucoup de vignettes de manuscrits de cette époque représentent des hommes d’armes dont l’armure est exprimée par le travail qu’indique la figure 14. Des monuments sculptés montrent également des cottes à armer dont les rangs d’anneaux serrés sont séparés par un filet saillant[1]. Ce filet est souvent peint en vert, en pourpre, en rouge, tandis que les rangs d’anneaux sont ou dorés, ou colorés en gris. On peut en conclure que ces filets figurent une étoffe. A l’article Broigne nous expliquons en détail ce genre de travail.

Avant de suivre les transformations de l’équipement, ou, comme on disait alors, du garnement de l’homme d’armes français, on ne saurait passer sous silence certaines particularités remarquables de l’armement des chevaliers des provinces voisines du Rhin vers la fin du xiie siècle, et qui expliquent quelques-unes des modifications apportées alors à l’habillement militaire de la Champagne. Le vêtement de mailles paraît avoir été adopté sur les bords du Rhin d’une manière complète avant d’être admis définitivement en France. Le beau manuscrit de Herrade de Landsberg[2] fournissait sur cet habillement des documents précieux ; il montrait des chevaliers entièrement couverts de mailles sans apparence de gambison ou de tunique d’étoffe sous-jacente. Le haubert ne se termine pas par une jupe fendue, mais en manière de braies, à peu près comme l’était la cotte à armer normande.

Sous le capuchon qui tient au haubert (fig. 15), est posée une cervelière de mailles doublée de peau ou de double toile (voy. en A). Le heaume est de deux sortes : l’un (voy. en B) est conique, légèrement bombé, avec pointe recourbée sur le devant et nasal fixe ; l’autre (voy. en C), hémisphérique, très-haut, avec ventaille qui laisse seulement les yeux à découvert. Le haubert est terminé en manière de caleçon ample ; les jambes sont couvertes de mailles sur le devant, lacées sur le mollet. La maille ne couvre que la moitié de la main, comme des mitaines, le reste est une garniture de peau. Le ceinturon, soit de cuir souple ou d’étoffe, n’est pas serré par une boucle, mais au moyen d’un œil à travers lequel passe l’autre extrémité. L’épée est très-large au talon. L’écu est triangulaire, arrondi aux deux angles supérieurs et pris dans un cylindre ; il est toujours

  1. Voyez, entre autres, l’effigie d’un chevalier de la famille de Sulney, reproduite dans l’ouvrage de M. J. Hewit : Ancient Armour and Weapons in Europa, t. i, p. 261.
  2. Biblioth. de Strasbourg, brûlée en 1870 par l’armée prussienne.