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[ ARMURE ]
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ceinture et laissaient aux mouvements toute leur liberté ; leur poids, combiné avec le trot du cheval, devait fatiguer beaucoup les épaules, aussi essaya-t-on de remédier à cet inconvénient. Vers la fin du ixe siècle, on voit apparaître la cotte treillissée, c’est-à-dire composée, comme la précédente, d’un vêtement de toiles doublées et rembourrées ou de peau, et armé de bandes de cuir en façon de treillis, avec rivets à larges têtes à chaque jonction des bandes et dans leurs intervalles. Cette armure était moins lourde que la précédente, était plus souple, et permettait la ceinture, qui empêchait tout le poids de la cotte de fatiguer les épaules. Voici (fig. 3) un exemple de ce genre d’armure[1]. Le détail A montre comment était composé le treillis de bandes de cuir avec rivets de fer ou de bronze. Sous la cotte d’armes est une première tunique longue, d’étoffe, descendant aux genoux ; cette tunique est à manches justes ; puis est posée une seconde tunique ne descendant guère plus bas que la cotte et à manches courtes. Les jambes ne sont pas armées, mais couvertes de chausses justes. Aux souliers sont attachés des éperons. La cotte se réunit au casque par un couvre-nuque. Pour faciliter le passage de la tête, un vantail carré, posé sur la poitrine, s’ouvre d’un côté comme une porte, et se rattache par des agrafes. On trouve la même disposition adoptée pour les cottes d’armes normandes. Celles-ci sont parfaitement indiquées dans la tapisserie de Bayeux et dans un assez grand nombre de monuments datant de la fin du xi" siècle. Ce qui donne aux représentations de la tapisserie de Bayeux un intérêt particulier, c’est que les cottes d’armes sont figurées non-seulement sur le corps des personnages, mais portées sur des bâtons au moment de l’embarquement de Guillaume. Aussi voit-on exactement la manière dont elles étaient faites. Elles formaient un seul vêtement couvrant tout le corps, les deux bras jusqu’au-dessous du coude, et les deux cuisses jusqu’au-dessous des genoux. Pour revêtir cette cotte, un large plastron carré s’ouvrait sur la poitrine, permettait d’enfourcher les jambes, une manche, puis l’autre, après quoi on boutonnait ce plastron ; un camail était attaché au large collet par derrière ; sa partie antérieure était prise sous le plastron quand on le fermait sur la poitrine. Dans la tapisserie de Bayeux, ces cottes sont parfois treillissées ou paraissent revêtues de plaques de métal; le plus souvent elles sont entièrement couvertes d’anneaux de métal, figurés par de petits cercles. On pourrait, vu le dessin grossier de cette broderie, supposer que ces anneaux représentent des mailles, mais

  1. Manuscr. Biblioth. nation., fonds Saint-Germain, latin.