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tirer ensemble un grand nombre de flèches, et à se retirer derrière les corps de bataille à cheval, pour renouveler leurs provisions ou pour laisser le champ aux charges de cavalerie. Dans un manuscrit français de la guerre de Troie, qui date environ de 1370[1], on lit ce passage : « Saietes orent et ars turquois, le petit pas rengies et serrés sen issirent de la cité. Et quant ilz furent là venu si commencierent une grant criée et férirent ensemble si vigueureusement que il sembloit que ce fust tempeste qui chaist du ciel, si commencierent à traire et à lancier. » C’était bien ainsi que se comportaient les troupes d’archers anglais. Un récit de la bataille où périt Godefroy d’Harcourt, en 1356, montre de la manière la plus claire le rôle des archers dans les armées qui combattaient en France pendant le xive siècle[2] : « … Si se ordonnèrent les François d’un lez, et les Anglois et Navarrois d’autre. Messire Godefroy de Harecourt mist ses archiers tout devant ce qu’il en avoit pour traire et blecier les français. Quant messire Raoul de Raineval en vit la manière, il list toutes manières de gens d’armes descendre à pié, et eulx paveschier et targier de leurs targes contre le trait, et commanda que nul n’alast avant sans commandement. Les archiers de monseigneur Godefroy commencèrent à approchier, ainsi que commandé leur fut, et à desveloper saietes à force de bras. Ces vaillans gens d’armes de France, chevaliers et escuyers, qui estoient fort armez, paveschiez et targiez, laissaient traire sur eulx ; mais cil assaut ne leur portoit point de dommage, et tant furent en cel estat eulx mouvoir ne reculer que cilz archiers orent emploié toute leur artillerie, et ne savoient mais de quoy traire. Adonques getterent ilz leurs arcs jus, et pristrent à ressortir vers les gens d’armes, qui estoient tous rangiez au long d’une haye, messire Godefroy tout devant, et sa baniere en présent. Et lors commencerent les archiers françois à traire moult vistement et à recueillir saiettes de toutes pars, car grant foison en y avoit semées sur les champs, et à emploier sur ces Anglois et Navarrois, et aussi gens d’armes approuchierent vistement. Là ot grant butin et dur ; quant ilz furent tous venus main à main ; mais les gens de pié de monseigneur Godefroy ne vindrent point de couroy et furent tantost desconfis. »

A la bataille de Verneuil, en 1424, les Anglais avaient mis leurs

  1. Biblioth. Nation., le Livre des hist. du commencement du monde, français, n°301, folio verso 60.
  2. Manuscr. Biblioth. nation., français, n°2041, 6474 et 6478. Voyez l'Histoire du château et des sires de Saint-Sauveur le Vicomte, par M. Léopold Delisle, p. 95 et 93.