Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 5.djvu/355

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[ DOSSIÈRE ]
— 327 —

se servait comme d’un épieu[1]. On observera que sur la tapisserie de Bayeux, les guerriers, soit à pied, soit à cheval, portent de ces longs javelots propres à être lances, et que ces hommes d’armes ne les tiennent point ainsi qu’on lit plus tard de la lance (glaive). Dans l’épisode de la campagne entreprise par Guillaume et Harold en Bretagne, au-dessus duquel est brodée la légende suivante : Hic milites Willelmi ducis pugnant contra Dinantes, on voit en effet des hommes à pied et à cheval lançant des traits. Quelques-unes de ces armes sont indiquées pendant leur course (fig. 1), d’autres fichées dans les écus. Il en est de même sur la broderie qui représente la bataille d’Hastings, et l’on ne saurait confondre ce dard avec les flèches, celles-ci étant beaucoup plus courtes et empennées, tandis que le dard saxon et normand ne l’est point. La lance normande est d’ailleurs décorée d’une flamme. Celle-ci, bien entendu, n’était point jetée comme le dard. Les fers du dard normand sont de deux sortes, les uns sont en feuille de sauge et les autres à deux barbes (fig. 2).

Il n’est plus fait mention, à dater du milieu du xiie siècle, de ce javelot, et le nom de dard est donné à une sorte de vouge à court manche, avec un fer tranchant des deux parts et très-effilé. C’est alors une sorte d’épieu :


« Un héraut qui tenoit .l. dart
« En sa main, mult trenchant d’acier[2]. »


Ce dard était une arme de piéton ; on s’en servait pour monter à l’assaut ou charger à pied de très-près, comme on se sert aujourd’hui de la baïonnette.

DOSSIÈRE, s. f. Partie de l’armure de plates qui protégeait le dos et qui, réunie au plastron et à la pansière, composait l’habillement qu’on désigne aujourd’hui par le mot cuirasse. On portait cependant des dossières sans plastrons, comme des plastrons et pansières sans dossières, avant l’époque où l’armure de plates fut complétée.

Le moyen âge n’adopte une nouvelle pièce d’armure qu'autant que l’utilité s’en fait sentir, et l’on ne voit point alors, comme aujourd’hui chez les nations de l’Europe occidentale, des genres de vêtements de guerre absolument différents les uns des autres, sans qu'il y ait à cette variété une raison d’utilité ou de convenance. Il suffit,

  1. Voyez les peintures de la salle du Jugement, Alhambra.
  2. Mérangis de Portlesguez (xiiie siècle), publ. par M. Michelant, p. 10.