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[ DARD ]
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Ces daguettes avec garde circulaire très-petite, pour ne point présenter une saillie gênante sur la hanche, et le pommeau de même, en façon de disque, d’olive ou de petites sphères jumelées, sont souvent très-élégantes. Les fourreaux, de velours, sont décorés d’une forte bague et de garnitures d’or, d’argent ou de cuivre ciselé, parfois avec pierreries. La figure 8[1] donne une de ces daguettes. Le pommeau, composé de deux sphéroïdes tronqués, est maintenu par une bride qui passe sous une frette et longe la poignée d’ivoire ou d’os des deux côtés. Des rivets réunissent les deux branches de cette bride à la soie de la lame, laquelle lame est triangulaire. En A, est figurée la section sur la bague du fourreau. Cette bague est un hexagone et le fourreau est triangulaire. On voit en a a comment les bielles dans lesquelles doit passer la chaînette de suspension sont fixées. Cette bague reposait ainsi en b sur la hanche et ne ballottait point. Trois garnitures finement ciselées et ajourées réunissent la bague supérieure aux trois faces du fourreau, qui est terminé par une tête d’animal.

Les lames de ces daguettes étaient cannelées et quelquefois ajourées, ce qui fit supposer, à tort ou à raison, que des substances vénéneuses étaient introduites au milieu de ces ajours, afin de rendre toute blessure mortelle. Nous croyons qu’il n’y avait là qu’une recherche, et ces légendes relatives aux armes empoisonnées ne commencent à prendre quelque crédit en France qu’à la fin du xvie siècle. L’Italie était fort renommée pour la fabrication de ces petites armes, et les inventaires des xive et xve siècle en mentionnent de cette provenance, ornées de joyaux, de chaînettes, de perles. La dague et la daguette se portaient également avec l’habit civil (voyez la partie des Vêtements).

DARD, s. m. (darde, dart, algier). Cette arme de main était, pendant l’époque carlovingienne et jusque vers le milieu du xiie siècle, une sorte de javelot empenné :

« Li res Marsilies en fut mult esfreed,
« Un algier tint ki d’or fut enpenet,
« Férir l’en volt se n’en fust desturnet[2]. »


« De Sun algeir ad la hanste crollée[3]. »

  1. Cabinet de l’auteur, dessin de Garneray.
  2. La Chanson de Roland, st. xxxii.
  3. Ibid., st. xxxii.