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Il était fait souvent, pendant les xiie et xiiie siècle, d’une lanière d’étoffe ou de peau qu’on nouait par devant :


« Puis a saisi duc Namie par lé neu du baudré[1]. »

« Floripas prent Rollant par le neu du baudré[2]. »


Ces ceinturons ne se portaient donc point en sautoir comme les baudriers du xviie siècle, mais autour de la taille. Pendant les xiiie, xive et xve siècles, on les fabriquait de peau de cerf, et ils étaient brodés d’or et de soie :

« Item, .I. baudré de cerf, ouvré de soie, ou pris de .XL. s.[3] » ; ou bien encore d’étoffe épaisse de soie :

« Item, pour une aune de samit, baillié celui jour audit Nicholas, pour faire fourriaus et renges à espées, 32 s.[4]. »

« Item, pour une renge d’espée, et pour le fourriau fait en lissié (broderie), ouvré à besletètes, que la Royne donne au Roy[5]. »

Depuis les Mérovingiens, on attachait une certaine importance à suspendre l’épée à des ceinturons richement ornés. Beaucoup de sépultures de cette époque nous ont rendu des boucles de baudrier d’un travail précieux, soit de bronze, soit de fer incrusté d’argent. Ces boucles sont parfois larges et solidement fixées aux courroies par des rivets.

Voici (fig. 1[6]) une de ces boucles qui n’a pas moins de 17 centimètres de longueur. L’ardillon n’est pas mobile, mais est fixé par un rivet à la patte (voyez le profil en A). C’est la bielle qui pivote sur un axe B. Ces plaques de fer sont richement incrustées d’argent. Souvent les rivets sont de bronze. L’épée était suspendue à ces ceinturons par un crochet entrant dans un anneau ; elle tombait droit le long de la cuisse gauche, suivant la mode gauloise, ou encore le fourreau était muni d’une petite bielle avec anneau de cuir, lequel passait dans un crochet attaché au ceinturon, ainsi que le montre la figure 2 : A étant le crochet, et B le fourreau de l’épée[7]. Cette façon de porter l’épée paraît avoir été adoptée, depuis les temps les plus reculés, dans les Gaules et chez les populations voisines.

  1. Fierabras, vers 2773 (xiiie siècle).
  2. Ibid., vers 2786.
  3. Inventaire des biens meubles et immeubles de la comtesse Mahaut d’Artois (1313).
  4. Compte de Geoffroi de Fleuri {1316).
  5. Ibid.
  6. Ancien musée du château de Compiègne.
  7. Fouilles d’Alesia, habitations lacustres du lac de Brienz.