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pour faire adopter à toute une armée un modèle de guêtre ou de ceinturon ; chacun cherchait ce qui pouvait être commode, utile, et l'armement atteignait ainsi une perfection pratique qui donne à penser. L’équipement d’un de nos soldats en Afrique, ou pendant le long siège de Sébastopol, nous intéresse, parce qu’il résulte des difficultés et des besoins impérieux en un cas particulier de guerre. Or, pendant le moyen âge, l’équipement de l’homme de guerre présente sans cesse cet intérêt ; ce n’est point une affaire administrative, la conséquence d’une discussion dans des bureaux entre gens qui n’ont pas fait campagne et ne songent qu’à la bonne apparence des revues ; c’est le résultat de la pratique du plus rude et du plus dangereux des métiers, de celui qui exige la promptitude, la prévoyance en toute chose, la liberté d’allures pendant l’action. Le vrai soldat ne songe pas seulement à ses armes, il doit avoir son hygiène, car il faut qu’il soit dispos après de longues attentes pendant les nuits froides et les jours pluvieux. Il doit préserver de la maladie ce corps qui, à un moment donné, agira dans sa pleine vigueur ; il doit éviter tout emploi inutile de force, et cependant ne manquer d’aucune des choses nécessaires, non-seulement à sa défense, mais à sa santé.

Observons nos soldats après quelques semaines de campagne ; ils ont bien vite modifié ce que leur équipement réglementaire présente de défectueux ou d’incommode. Les chefs ferment les yeux sur ces inobservations des règlements, et c’est ce qu’ils peuvent faire de mieux ; car le soldat, en France particulièrement, sait bien vite s’équiper de la façon la plus commode. Cette faculté, nous l’avons toujours possédée, aussi nos équipements militaires présentent-ils des qualités pratiques toutes particulières, qualités que nos articles feront ressortir. Il en était de même des exercices, qui, pendant la paix, devaient préparer les hommes d’armes aux combats futurs ; ces exercices étaient bien autrement pratiques que ne le sont nos simulacres de bataille. Les tournois n’étaient que de véritables mêlées de cavalerie où les hommes comme les chevaux apprenaient sérieusement leur métier. On en venait aux mains, et nos vieux connétables des temps passés seraient fort surpris s’ils nous voyaient manœuvrer des escadrons de cavalerie pendant les simulacres de bataille commandés aujourd’hui à nos troupes, simulacres plus funestes qu’utiles à la cavalerie, notamment, puisque l’on fait faire demi-tour à droite et à gauche aux escadrons chargeant un carré d’infanterie sous le feu ; de telle sorte que les chevaux, habitués de longue main à cette manœuvre, ne manquent pas, un jour de vraie