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pièce sur le devant. Les solerets sont larges et carrés du bout pour bien tenir dans les étriers. Les gantelets n’ont pas de gardes saillantes, mais sont attachés par des courroies aux canons des avant-bras.

Nous ne croyons pas utile de pousser plus loin cet examen sommaire des armures. Celles du xvie siècle sont en si grand nombre et tellement communes, que nous ne nous en occuperons pas ; ce serait d’ailleurs sortir de notre cadre.

L’armure de fer n’avait plus trop de raison d’être du moment que l’artillerie à feu prenait à la guerre une importance de plus en plus sérieuse. Cependant telle était la puissance de la tradition, que les gentilshommes ne croyaient pas pouvoir guerroyer sans cet accoutrement si lourd et si gênant. La plupart des armées de l’Europe n’ont-elles pas encore conservé les cuirassiers, bien que les cuirasses ne soient plus à l’épreuve d’une balle conique ? Ce ne fut guère que sous Louis XIII que les gentilshommes remplacèrent l’armure par le justaucorps de buffle. Cependant le roi se prononça à diverses reprises contre cette innovation, et prétendit faire reprendre les armures qu’il considérait comme une des conditions essentielles à la bonne ordonnance de la noblesse à cheval. Sa volonté et ses recommandations ne purent faire reprendre l’armure, que l’on ne portait plus que dans certaines solennités et comme signe de haute noblesse féodale. Toutefois, jusqu’à sa mort, les mousquetaires noirs de sa maison conservèrent l’armure en campagne, complète, sauf les grèves, remplacées par de grandes bottes ; un chapeau de fer avec nasal était substitué à l’armet[1].

ARRIÈRE-BRAS (garde-bras), AVANT-BRAS. — Il ne faut pas confondre ces pièces de l’armure avec les brassards. Le brassard est composé de pièces articulées qui tiennent ensemble par des rivets, et qu’il suffisait d’attacher à l’épaule sur la cuirasse close ou sur le colletin, tandis que l’arrière-bras et l’avant-bras étaient des pièces séparées et qui pouvaient être portées l’une sans l’autre. L’avant et l’arrière-bras précèdent de beaucoup le brassard. On voit dans l’article Armure[2] que, dès la seconde moitié du xiiie siècle, les hommes de guerre avaient cru devoir ajouter à la broigne ou au haubert de mailles, ou jaseran, des plaques de fer battu pour mieux garantir les épaules et l’arrière-bras contre les grands coups d’épée et le choc des

  1. Ces armures étaient noires avec clous dorés. Il en existe une encore, dépendant du musée de Pierrefonds.
  2. Voyez Armure, fig. 20.