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Expositions universelles ouvertes pendant ce laps de temps. Ajoutons, si l’on veut, à ces documents, les comptes-rendus des séances dos Chambres d’Amérique, d’Angleterre, d’Allemagne, de France, de Belgique et d’Espagne ; peut-on admettre que ces lectures seraient de nature à former le cœur et l’esprit des jeunes générations en l’an 3872 ?

À moins que l’homme ne change beaucoup — et il ne change guère depuis cinq mille ans, — il est présumable que professeurs et élèves dans les lycées d’alors s’endormiraient en sixième pour se réveiller en philosophie.

L’homme ne s’est pas fait, et peut-être que s’il eût été chargé de ce soin, eût-il mieux réussi. Il nous faut le prendre tel qu’il est : or il n’est pas créé pour le repos physique ou moral, il lui faut la lutte intellectuelle et matérielle ; il n’a pas la conscience du bien absolu, il n’apprécie que le bien relatif ; et ce bien ne se manifeste pour lui que par l’opposition du mal. Sa conscience ne se réveille que par l’oppression ; son moral ne s’élève qu’en face de l’abus de la force matérielle. Le mythe d’Adam et d’Ève n’est point une puérilité. Or l’homme n’a commencé la vie que le jour où il a mordu au fruit défendu. Le premier emploi qu’il fait de la prise de possession de lui-même, est de tuer son semblable, et de cet acte naît l’horreur du crime, le sentiment de réprobation et de vengeance. Au fond, toute vendetta repose sur la révolte de la conscience contre un abus de la force matérielle ; toutes les guerres ne sont que de colossales vendetta ; peu importe que le fait se passe entre deux familles d’un village de Corse ou entre deux nations rivales : c’est le même, ni meilleur, ni pire, ni moins ni plus excusable ; mais au fond, il n’existe que par le sentiment de la révolte de la conscience contre ce qu’elle considère comme une oppression, un abus, une injustice. Espère-t-on détruire ces sentiments dans le cœur de l’homme ? Ce n’est pas à souhaiter.

Nous avons entendu dire parfois qu’il est insensé de donner aux enfants des sabres, des tambours, des fusils de fer-blanc ; qu’il serait mieux, en fait de joujoux, de leur donner des charrues, de petites locomobiles et des appareils de physique élémentaire ; que par cette habitude des armes on inocule aux enfants l’esprit guerrier, le désir de se servir de ces outils homicides. Il est en vérité naturel au possesseur d’une arme d’essayer de s’en servir, mais dès qu’il en a reconnu l’effet et qu’il se trouve en face de camarades également armés, il comprend bien vite qu’un coup en provoque un autre, et il devient prudent en tâchant de perfectionner l’outil qu’il possède, ou