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[ ARMURE ]
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un chevalier dont l’adoubement date de 1300 environ. Cet adoubement est plus compliqué et appartient à une époque de transition. La broigne est de nouveau substituée à la maille, c’est-à-dire le vêtement de peau, de toile ou de velours, sur lequel sont cousus des rangs de maillons. Au poignet même apparaît, entre le gantelet et la manche de la broigne, le gambison de peau piqué. Outre les ailettes, les arrière-bras sont armés de plaques de fer, et les coudes de cubitières légèrement coniques. Les jambes sont aussi armées de grèves et de genouillères par-dessus les chausses façonnées comme la broigne. Celle-ci ne descend qu’aux genoux, et la cotte d’armes d’étoffe souple recouvre le torse et les cuisses. Le heaume est pointu[1], avec vue barrée verticalement par un renfort, comme dans les exemples précédents ; les mains sont gantées de peau. Sous la housse d’étoffe, le cheval est armé d’une couverture maillée comme la broigne de l’homme d’armes, et sa tête est garantie par un frontal de fer[2]. Évidemment alors l’habillement de mailles ne paraissait plus suffisant : on y avait ajouté d’abord les ailettes, puis des lames de fer sur les arrière-bras, puis des cubitières ; on préservait les genoux et les jambes par des genouillères et des grèves ; puis encore on revenait, sous ces renforts de fer, à la broigne, plus résistante que n’était la maille, et sous la broigne on posait un gambison de toile ou de peau piqué. De même aussi on armait plus fortement le cheval. Il ne faut pas s’étonner si alors chaque homme d’armes cherchait à perfectionner l’adoubement, et si, par conséquent, on trouve une grande variété dans les diverses pièces d’armures adoptées ; s’il se présente des singularités en raison de la force, du goût et des idées plus ou moins ingénieuses de chacun. L’état mixte de l’armure, de 1290 à 1310, ne pouvait former un ensemble complet. Les plaques de métal en plus ou moins grand nombre, la maille ou la broigne maillée, la cotte d’armes rembourrée ou souple, longue ou courte, le gambison piqué ou simple, se trouvent dans les monuments figurés de cette époque. Le heaume subit alors d’importantes modifications. Sa partie basse antérieure devient mobile, ce qui permettait au cavalier de respirer à l’aise sans être obligé d’ôter cet habillement de tète. Cette partie mobile (la ventaille primitive) couvre le bas du visage jusqu’au-dessous du menton[1] et peut être relevée en pivotant sur deux axes placés à

  1. a et b Voyez Heaume.
  2. Voyez Harnais.