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âge, les hommes de guerre d'outre-Rhin ont pris de grandes précautions pour se couvrir, et que leur habillement militaire est en général plus préservatif que ne le sont ceux de nos hommes d’armes. C’est d’Allemagne que nous viennent toujours les pièces d’armes les plus solides et défensives. Aujourd’hui les troupes allemandes n’ont pas perdu ces habitudes fort prudentes, pour lesquelles nous avons peu de goût, mais que tôt ou tard nous adoptons forcément.

De 1220 à 1230, l’habillement de l’homme d’armes français subit de nouvelles modifications. Le haubert de mailles descend au-dessous des genoux, laissant apparaître le bord inférieur de la jupe du gambison. Le capuchon de mailles couvre le menton, les oreilles et le sommet du crâne ; par-dessus est posée une sorte de cervelière d’étoile avec turban, appelée parfois mortier, destinée, ainsi que le montre la figure 16[1], à maintenir le heaume de fer et à l’empêcher de froisser le front et les tempes. Le ceinturon est porté bas déjà sur la cotte de mailles. Le heaume est cylindrique, très-large et terminé carrément. Il est maintenu d’aplomb par le turban de la cervelière. Déjà la cotte d’armes d’étoffe recouvre parfois le haubert de mailles et descend plus bas ; elle est fendue devant, derrière et latéralement. Alors le ceinturon serre la taille.

Les jambes sont habituellement revêtues de chausses de mailles, bien que l’usage des chausses d’étoffe ou de peau fût encore assez fréquent, ainsi que nous l’apprend ce curieux passage de la croisade contre les Albigeois[2] :


« Yen couose las costumas dels Frauces bobanciers
Quilh an garnitz los corses tinament a dobliers
E de jos en las cambas non an mas los cauciers
E sils datz a las garras nils firetz soendiers
Al partir dela coila i remandral carniers[3]. »


Le heaume cylindrique plat au sommet, si étrange que paraisse sa forme, avait sa raison d’être, eu égard aux armes offensives employées. Il parait parfaitement les coups de lance, qui glissaient sur ses parois ; il préservait des coups d’épée, de masse ou de hache, beaucoup mieux que ne le pouvait faire le heaume conique ou

  1. Bas-relief déposé dans l’église Saint-Nazaire de Carcassonne et représentant la mort de Simon de Montfort ; bas-relief de la cathédrale de Reims, face nord (1225).
  2. Chap ccv, vers 8350 et suiv.
  3. « Je sais les coutumes des Français fanfarons. Ils ont le corps couvert de fins doubliers, mais ils n’ont aux jambes que leurs chauciers. Si donc vous les visez aux jarrets et que vous frappiez fort, au départir de la mêlée, il restera là de leur chair. »