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venaient lits, tables ou armoires ; les moyens servaient de bancs, et les petits de nécessaires propres à renfermer tous les menus objets. Ces habitudes prirent un tel empire, que, dans des temps plus rapprochés de nous, où l’état du pays n’exigeait plus le charroi de tous les objets utiles à la vie journalière, on voyait encore des princes, et même de riches particuliers, se faire suivre en voyage de leur vaisselle et d’une quantité de meubles, tapisseries, linge et vêtements assez considérable pour meubler un palais[1].

Mais revenons aux coffrets. Ceux-ci n’affectent pas toujours la forme d’un parallélipipède ; quelquefois ils sont à pans. Il existe encore aujourd’hui, dans le trésor de la cathédrale de Sens, un coffret d’ivoire sculpté et peint, qui fut, dit-on, rapporté de Constantinople au XIIe siècle, et qui contenait des reliques précieuses. Il est en forme de prisme à douze pans, terminé par un couvercle en pyramide tronquée également à douze faces ; la hauteur du prisme est de 0m,22, le diamètre du coffret de 0m,31. Il est divisé en trois zones : celle inférieure représente l’histoire de David, celle au-dessus l’histoire de Joseph ; la troisième, des lions, des griffons affrontés, un griffon terrassant un bœuf, un griffon dépeçant une bête à cornes, un lion se jetant sur un bœuf, un griffon tuant un serpent, et un lion poursuivant un bouc. Sur le couvercle, on retrouve la suite de l’histoire de Joseph, ou plutôt son triomphe, l’arrivée de sa famille en Égypte, et son apothéose. La gorge qui sépare le couvercle du corps du coffret est revêtue de plaques d’émail de fabrique byzantine. Ce petit meuble fut certainement exécute à Byzance et paraît appartenir au XIIe siècle ; les bas-reliefs sont accompagnés d’inscriptions grecques, et le style des figures rappelle l’antiquité gréco-romaine.

Voici (fig. 4) un ensemble de ce précieux coffret, et (fig. 5) un fragment d’un des petits bas-reliefs représentant Joseph allant au-devant de Jacob et le recevant à son arrivée dans la terre de Gessen. Le style des bas-reliefs qui décorent l’extérieur du coffret de Sens est plein de grandeur, et certainement l’introduction d’objets de fabrique byzantine, si fréquente en France pendant le XIIe siècle, dut exercer une notable influence sur la sculpture due à nos artistes occidentaux. Le trésor de la cathédrale de Sens n’a pas cessé de posséder ce coffret depuis cette époque. Son origine n’est pas dou-

  1. Nous avons vu encore un auguste personnage qui ne voyageait qu’avec son lit, et qui eût mieux aimé passer la nuit dans un fauteuil que de se coucher dans un lit qui n’eût pas été le sien.