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[ CHASSE ]
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devant lui Jésus-Christ en croix. Le Saint-Esprit, sous forme d’une colombe, sort de la bouche du Père et descend vers le crucifix. L’abbé Guillaume, qui fit exécuter cette châsse, était à la droite du Père, en habit de religieux, la crosse en main et la mitre en tête ; le roi Eudes était à sa gauche, revêtu des insignes de la dignité royale. A l’autre extrémité se voyait également, sous une archivolte, saint Germain en habits pontificaux, ayant à ses côtés saint Vincent et saint Étienne, patrons de l’abbaye, en habits de diacres. Cette châsse, surmontée d’une flèche à jour, n’avait qu’un mètre environ de longueur ; elle était supportée par six figures d’hommes, de cuivre doré, tenant des phylactères sur lesquels étaient gravés des vers à la louange de ceux qui avaient contribué à faire exécuter ou à décorer tant l’ancienne que la nouvelle châsse. Des pierres précieuses qui avaient été posées sur l’ancienne châsse donnée par Eudes, comte de Paris, entrèrent dans la décoration de celle-ci ; ces pierres précieuses étaient au nombre de deux cent soixante, les perles au nombre de quatre-vingt-dix-sept[1]. Un grand nombre de châsses furent ainsi refaites pendant les XIIIe et XIVe siècles et au commencement du XVe. Beaucoup furent vendues ou détruites pendant les guerres désastreuses de l’invasion anglaise. Louis XI répara ces pertes, si toutefois elles étaient réparables. On fit refondre encore beaucoup de châsses neuves au commencement du XVIe siècle, les formes des anciennes châsses n’étant plus dans le goût de ce temps ; les guerres religieuses de la fin de ce siècle en détruisirent une quantité innombrable. Pendant la Révolution, la plupart des châsses qui avaient une valeur intrinsèque furent envoyées à la monnaie et depuis, le clergé, les fabriques, les ont vendues, souvent à vil prix à des amateurs ou brocanteurs, ou les ont échangées contre des ornements de mauvais goût. Aussi, en France, les châsses anciennes de quelque importance, et surtout exécutées en matières précieuses, sont-elles fort rares.

Les châsses ne contenaient pas seulement des corps-saints ; elles étaient destinées aussi à renfermer certaines reliques pieuses. On désignait l’armoire de vermeil contenant les précieuses reliques de la Sainte-Chapelle à Paris sous le nom de la grande-châsse. Dans l’église cathédrale de Chartres, la chemise de la sainte Vierge était conservée dans une magnifique châsse donnée en 896 par le roi

  1. Le marché passé par l’abbé Guillaume avec Jean de Clichy, Gauthier Dufour et Guillaume Boey, orfèvres à Paris, est donné tout au long dans les pièces justificatives de l’Hist. de l’abbaye roy. de Saint-Germain des Prés de dom Bouillard. Cette pièce est fort curieuse.