Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 1.djvu/70

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[ CHAR ]
— 56 —

publiques du royaume[1]. Les voitures ne furent longtemps que de véritables charrettes non suspendues à quatre roues, auxquelles on attelait des chevaux montés par des postillons. Ces moyens de locomotion furent tellement communs, qu’au XIIIe siècle des lois somptuaires les interdirent aux classes moyennes[2]. Les femmes nobles, les abbés, voyageaient dans des chariots ; et les miniatures des manuscrits du XIIIe siècle nous en ont transmis un grand nombre qui tous affectent la forme d’une charrette à quatre roues égales de diamètre (fig. 1)[3] avec brancards ou timons, traînée par des attelages accouplés ou en flèche et des postillons. Si ces voitures étaient fort simples comme forme et combinaison, elles étaient enrichies de peintures, de dorures, recouvertes d’étoffes posées sur des cercles, comme nos voitures de blanchisseurs ; à l’intérieur, des coussins étaient jetés sur les banquettes disposées en travers. On entrait dans ces chars par derrière comme on peut encore entrer dans nos charrettes, et souvent cette issue était fermée par des chaînes ou des barres d’appui. Du reste, le coffre, jusqu’à la fin du XVe siècle, reposait sur deux essieux, sans courroies ni ressorts ; et les essieux étant fixes, parallèles, il fallait s’y prendre de loin pour tourner. Grâce à une grande quantité de coussins, à des étoffes épaisses, on pouvait encore voyager longtemps dans ces charrettes, menées d’ailleurs

  1. « Qui cum adfuisset (Rauching), priusquam eum rex suo jussisset adstare conspectui, datis litteris, et pueris destinatis cum erectione publica qui res ejus per loca singula deberent capere… » (Grég. de Tours. Hist. Franc., lib. IX.)
  2. Gloss. et Répert., par M. le comte de Laborde, 1853.
  3. Manuscr. Bibl. nat., anc. fonds Saint-Germain, no 37 XIIIe siècle.