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[ CHAISE ]
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CHAISE, s. f. (chaire, chaière, forme, fourme). Siége garni de bras et dossier, quelquefois de dais pendant les XIVe et XVe siècles. Nous comprenons dans cet article tous les siéges, meubles, et même les trônes de bois ou de métal, sauf les siéges pliants, faudesteuils (voy. ce mot). Quant aux chaires de marbre et de pierre, nous les considérons comme immeubles, et nous renvoyons nos lecteurs au Dictionnaire d’architecture, dans lequel ces objets sont décrits.

Il semble que, dès les premiers temps du moyen âge, on ait voulu donner aux siéges une élégance et une richesse particulières ; il est à remarquer que, plus les meubles se rattachent à l’usage personnel, plus ils sont traités avec luxe. Les vêtements étant fort riches, on comprendra ce besoin de mettre en harmonie avec ceux-ci les meubles destinés, pour ainsi dire, à les compléter. Si un personnage, vêtu de couleurs éclatantes et d’étoffes précieuses, s’assied dans une chaire grossière comme matière et comme travail, la disparate sera trop choquante. On ne sera donc pas étonné si les exemples de siéges que nous donnons ici sont, relativement aux autres meubles, d’une richesse remarquable.

Les chaires étaient déjà fort anciennement incrustées d’or, d’ivoire, d’argent, de cuivre, composées de marqueterie, recouvertes d’ètoffes brillantes, non point, comme cela se pratique de nos jours, par des tissus cloués, rembourrés et fixes, mais par des coussins et des tapis mobiles, attachés par des courroies, ou jetés sur le bois. Ces sortes de meubles étaient rares d’ailleurs ; dans la pièce principale de l’appartement, il n’y avait, la plupart du temps, qu’une seule chaire, place d’honneur réservée au seigneur, au chef de la famille ou à l’étranger de distinction que l’on recevait. Autour de la pièce, on ne trouvait pour s’asseoir que des bancs, des bahuts, des escabeaux, de petits pliants, ou même parfois des coussins posés sur le carreau. Dans les chambres à coucher, il y avait aussi une seule chaire et des bancs ; de même dans la salle où l’on mangeait. La chaire ou chaise est toujours le trône du maître ou de la maîtresse ; cet usage était d’accord avec les mœurs féodales. Si le chef de la famille recevait des inférieurs, il s’asseyait dans sa chaire, et les laissait debout ou les faisait asseoir sur des siéges plus bas et souvent sans dossiers ; s’il recevait un supérieur dans l’ordre féodal, ou un égal auquel il voulait faire honneur, il lui cédait la chaire. Toutefois, si ces meubles sont riches par la matière et le travail, ils sont simples de forme pendant les premiers siècles du moyen âge, se composent de montants, de traverses et de tablettes pour s’asseoir, ou parfois de sangles