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CONCLUSION.

qu’on appelait les parvenus. Bien rares sont aujourd’hui, parmi les classes les plus riches de notre société, ceux qui aiment à s’entourer d’objets plus remarquables par leur qualité que par leur apparence, ceux qui s’enquièrent si un meuble est bien fait, s’il est conçu et exécuté de façon à être utile. On achète, il est vrai, à des prix fabuleux, des objets anciens, souvent faux, parce que cela est de mise, et qu’il convient de montrer dans sa galerie des faïences, des émaux, des bronzes et des raretés d’un autre âge ; mais s’il s’agit d’un objet moderne, sorti de nos ateliers, on s’adresse le plus souvent à la fabrication de pacotille, qui donne à bas prix des meubles bons pour la montre ; si bien que, chaque jour, les industriels consciencieux, et qui penseraient avant tout à ne produire que des œuvres de bon aloi, se découragent et suivent le courant qui pousse dans le luxe à bon marché.

On aurait pu croire que la vogue du bibelot, des vieux débris, épaves du passé, aurait fait pénétrer dans l’esprit des heureux du siècle le goût des bonnes et belles choses, ou du moins le dégoût pour ce luxe malsain qui envahit le salon et la mansarde. Il n’en est rien ; et l’on ne peut se résoudre à blâmer les petits de s’adonner à l’amour du luxe qui cache la misère, quand on voit les appartements les plus somptueux remplis d’objets dont l’apparence menteuse ne saurait tromper sur leur valeur réelle les gens de goût. Ce sont là des vanités qui accusent la faiblesse des convictions et des caractères d’une société qui ne sait trop ce qu’elle est et où elle va, et qui croit maintenir un passé qui croule, en simulant des goûts qu’elle n’a plus, une grandeur qui lui échappe. Mais que dire de ceux qui affectent des principes en fait d’art et de goût, et qui s’entourent d’objets aussi plats par le style que grossiers par l’exécution ; qui, nous entretenant de la supériorité de l’art grec à tout propos, remplissent leurs appartements de meubles mal copiés sur les débris des salons de Mme de Pompadour ou de Marie-Antoinette ; de ceux qui s’émerveillent sur les créations du moyen âge, et, ne voyant dans ces œuvres que l’apparence, non le sens vrai et pratique, garnissent leurs châteaux de meubles aussi incommodes que mal faits, ornés de pâtes, et rappelant ces formes que l’on qualifiait de style troubadour, il y a trente ans ? Quelques-uns (et ceux-ci au moins sont l’expression vivante de la confusion de nos principes en fait d’art) s’entourent des débris de tous les âges, de tous les styles, et ressemblent ainsi chez eux à des marchands de bric-à-brac. Beaucoup se soucient médiocrement qu’un meuble remplisse son objet, pourvu qu’il sorte des ateliers de tel fabricant en vogue. Tout cela n’est pas