Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 1.djvu/494

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
428
CONCLUSION.

l’est guère moins de placer dans un salon une chaire de quelque seigneur du XVe siècle. Ce que nous voudrions trouver dans nos habitations, c’est une harmonie parfaite entre l’architecture, le mobilier, les vêtements et les usages. Lorsque nous voyons des hommes habillés comme nous le sommes, assis dans des fauteuils du temps de Louis XV, il nous semble assister à une réunion de notaires et de commissaires-priseurs procédant à un inventaire après décès. Évidemment ces formes molles, ces couleurs tendres, ne sont point en harmonie avec nos habitudes et notre costume. Le signe le plus certain d’une civilisation avancée c’est l’harmonie entre les mœurs, les diverses expressions de l’art et les produits de l’industrie. « Montre-moi ton mobilier, et je te dirai qui tu es. » Or, si l’on s’en tenait à l’apparence, on pourrait prendre aujourd’hui de petits bourgeois pour des seigneurs. Il est certain que, de nos jours, le sens moral s’est modifié. La résignation fière et digne est considérée comme un défaut de savoir-vivre et la vanité un moyen de succès. Nous n’avons pas à faire ici un sermon ou un cours de morale, mais il est difficile de ne pas parler des mœurs lorsqu’on s’occupe des objets qui en sont la vivante expression. Ces mœurs du moyen âge, tant vantées par les uns, si fort décriées par les autres, sont, à tout prendre, assez mal appréciées : comme citoyens d’un pays, nous valons mieux, il nous semble, qu’au moyen âge ; comme hommes privés, nous sommes loin d’égaler les caractères tranchés, énergiques, individuels, que l’on rencontre à chaque pas jusqu’au siècle de Louis XIV. La révolution de 1792 a laissé dans nos lois, dans nos habitudes et nos mœurs, une empreinte qu’aucun pouvoir ne saurait effacer ; ce que nous ne pouvons comprendre et ce qui nous paraît dangereux, c’est de ne pas admettre les conséquences de ce changement dans ce qui touche à la vie journalière. Vouloir imiter les habitudes de luxe, les idées et jusqu’aux préjugés d’une époque séparée de nous par l’abîme de 1792, est au moins un travers. Nous possédons des qualités précieuses ; nous possédons, à un haut degré, le sentiment des devoirs publics, comparativement aux siècles précédents ; nous avons la conscience de notre droit et de la justice ; nous sommes enfin en état de distinguer le vrai du faux : pourquoi donc étouffer ces sentiments dans la vie privée, prétendre être autres que nous ne sommes, et nous cramponner à ces vieilleries auxquelles personne, au fond, ne croit plus ? Veut-on mesurer l’abîme qui nous sépare de ces temps auxquels nous essayons de revenir par un seul exemple ? ce sera facile. N’allons pas au delà du XVIIe siècle. Nous trouvons, en ces temps, des gentilshommes, gens