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CONCLUSION.

prendre leur repas chez le gargotier voisin. Les meuble garnissant ces habitations n’ont pas besoin d’être décrits… Le paysan au moyen âge était relativement mieux logé et mieux meublé ; l’air et l’espace ne lui manquaient pas ; il possédait toujours son lit large et garni de gros draps, surtout dans les campagnes du Nord, sa huche, ses bancs, sa table et son foyer, et souvent son armoire bien remplie de linge, sa vaisselle de terre. Dans ces demeures, cependant, les animaux domestiques vivaient pêle-mêle avec les humains : le poulailler, le toit à porcs, étaient quelquefois près du lit des habitants ; mais le soleil pouvait réchauffer et assainir ces demeures, le foyer s’allumait chaque jour, et le paysan passait sa journée aux champs. Si la demeure de l’artisan citadin, du pauvre écolier, de l’ouvrier, ne fournit nulle matière à la description, si elle n’est qu’un amas sordide de meubles sans non, sans forme, qu’une sorte de détritus de la civilisation des villes, il n’en est pas de même de la chaumière : celle-ci conserve les traces de l’industrie de ses habitants, car le paysan peut créer ; la matière première ne lui fait pas défaut ; on n’éprouve pas, au milieu de la campagne, ce découragement profond qui saisit le pauvre dans les grandes villes. Si le chef de famille est robuste et intelligent, si la femme est active et laborieuse, on voit bientôt le mobilier satisfaire aux besoins de la vie ; car aux champs les bras suffisent pour tout créer, tandis qu’à la ville on ne peut rien obtenir qu’avec de l’argent. D’ailleurs le paysan avait, au moyen âge, une grande ressource : c’était celle du voisinage du château ou de l’abbaye. Tous les seigneurs féodaux n’étaient pas des tyrans aveugles, dépouillant les paysans pour le plaisir de les ruiner ; le paysan était une richesse, un revenu, et c’était d’une sage administration de lui laisser un bien-être qui profitait au seigneur. Beaucoup de vieux meubles du château ou de l’abbaye allaient garnir les chaumières. Quantité de bahuts ramassés par nos brocanteurs étaient installés depuis plusieurs siècles dans les maisons des paysans, et il ne faut pas croire qu’ils aient tous été pillés à la fin du dernier siècle. Les demeures seigneuriales s’étaient débarrassées depuis longtemps de ces meubles hors d’usage au profit des chaumières, comme beaucoup de villages s’étaient élevés avec les débris des donjons féodaux avant la révolution de 1792.

Lorsque la mode n’avait pas remis en honneur encordes meubles du moyen âge, il n’était guère de hameau, surtout dans le voisinage des châteaux ou des abbayes, qui ne possédât quantité d’objets précieux par leur âge et même leur travail. Les familles qui étaient devenues propriétaires de ces meubles les gardaient avec une sorte