Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 1.djvu/473

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
407
VIE PRIVÉE DE LA HAUTE BOURGEOISIE.

Et qui gage bailler ne puet
Il aura perles se il vuelt,
Mais il fault qu’il les pleige bien,
Autrement n’emportera rien.
Les perles on ly monstrera,
Mille francs les achètera :
Il confessera cet achat,
Mais il vendra de l’autre part
Un marchant qui marchié fera,
Et pour huit cens francs les aura
Et sy sera mise journée
Pour payer la somme nommée,
Et s’il ne paye celluy jour
Oncques ne fut tant mal séjour,
Car il fault prendre autre terme
Mais il fault bien l’intérest rendre
Tel que, si je disoye tôt
Vous orriez envis celluy mot
Pires usures oncques ne vy
Qu’ils font aujourd’uy, je vous dy :
Les courratiers font ce Lendit.

............


Ces braves marchands des villes qui rançonnaient si bien les seigneurs, et qui n’avaient nulle occasion de déployer un luxe ruineux à l’extérieur, se meublaient richement, mettaient leur plaisir à avoir de bonnes maisons bien closes et bien garnies, de belle vaisselle, de bons vêtements ; et certainement il était, au xive siècle, plus d’un baron en France qui se fût trouvé heureux de posséder le mobilier, l’argenterie, les provisions de toiles, de drap et d’étoffes de tel gros bourgeois de la ville voisine. Les documents écrits qui nous restent de cette époque, et qui donnent quelques détails sur la vie privée de la bourgeoisie, sont tous empreints de cet amour du chez soi, qui indique toujours le bien-être intérieur, la vie régulière, l’aisance et ce luxe privé, égoïste, que nous appelons le confort. Il est un livre fort curieux à lire lorsqu’on veut prendre une idée complète des habitudes de la riche bourgeoisie au xive siècle en France, c’est le Ménagier de Paris[1]. L’auteur de cet ouvrage entre dans tous les détails de la vie privée ; il nous fait connaître que le luxe s’était répandu partout sous les règnes de Charles V et de Charles VI, et qu’alors, plus qu’aujourd’hui peut-être, la vie était embarrassée de

  1. Le Ménagier de Paris, composé vers 1393 par un Parisien pour l’éducation de sa femme. Publ. pour la première fois par la Société des Biblioph. franc., 2 vol., 1857.