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[ AUTEL ]
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Il ne paraît pas que les armoires affectées aux habitations privées aient eu des formes particulières ; elles ne se distinguaient des meubles destinés à un usage religieux que par les sujets profanes peints ou sculptés sur leurs surfaces, par des écussons armoyés, des devises ou sentences.

Les provisions d’armes de main et les armures même, chez les seigneurs châtelains, étaient soigneusement rangées dans de grandes armoires disposées à cet effet dans de vastes salles.

Pour le bourgeois et le paysan, l’armoire était le meuble principal de la famille[1], et il est resté tel dans beaucoup de campagnes, où la fille qui se marie apporte toujours l’armoire dans la maison de son époux. Il n’y a guère de maison de paysan, en France, qui n’ait son armoire de chêne ou de noyer, et ce meuble se distingue des autres par son luxe relatif. L’armoire est le trésor de la famille du paysan ; il y renferme son linge, l’argenterie qu’il possède, ses papiers de famille, ses épargnes. Ce meuble, qui représente son avoir, est entretenu avec soin, luisant, les ferrures en sont brillantes. Pour que cette tradition se soit aussi bien conservée, il faut que l’armoire ait été, pendant toute la durée du moyen âge, la partie la plus importante du mobilier privé ; aussi les armoires des XVIe et XVIIe siècles ne sont-elles pas rares, et nous ne croyons pas nécessaire d’en donner ici un exemple.

AUTEL, s. m. (aultier, auter). Outre les autels fixes, dont nous n’avons pas à nous occuper ici[2], on se servait, pendant le moyen âge, d’autels portatifs. Ces autels étaient transportés pendant les voyages, et, une fois consacrés, permettaient de célébrer la messe

  1. « A Roem fist mainte malice (l’archevêque Maugier),
    « N’i lessa teile ne galice,
    « Ne croix, ne boen drap en almaire,
    « Ke Maugier ne fist forz traire ;
    « … »

    (Le Roman de Rou, XIIe siècle, vers 9685 et suiv., 2e partie)
  2. Voyez le Dict. raisonn. de l’archit. franc., au mot Autel.