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elle demeura exposée à la vénération des nombreux pèlerins qui affluaient à l’abbaye de toutes parts. Le même historien ajoute que, les moines ayant été accusés de satisfaire leur avarice par les offrandes de ce grand concours de peuple, ils se virent obligés, pour se mettre à couvert de ce reproche, d’empêcher qu’on ne baisât ni ne touchât l’image miraculeuse.

Les images de cire étaient aussi fort en usage pendant le moyen âge ; on en plaçait dans les églises et même dans les palais. Ces images représentaient des donateurs ou des personnages vénérés dont on voulait perpétuer la mémoire ; on les revêtait d’habits comme des personnes vivantes, et elles demeuraient en place jusqu’au moment où elles tombaient de vétusté. Les sorciers, pendant le moyen âge, considéraient les images de cire qu’ils se plaisaient à façonner, comme un des moyens les plus puissants d’influence sur la destinée de ceux qu’ils prétendaient soumettre à leur volonté. Dans la célèbre procédure contre les templiers, sous le règne de Philippe le Bel, il est question d’images du roi percées de styles, employées comme maléfices contre ce prince. Les sorciers baptisaient aussi certaines images de cire. « Il y a néanmoins des gens assez abandonnés de Dieu, dit le savant docteur Thiers en son Traité des superstitions[1], pour baptiser des figures de cire, afin de faire mourir les personnes qu’ils haïssent. Et voici les cérémonies qu’ils pratiquent dans ce cas : Ils font une image de cire entière, et avec tous ses membres ; la mettent tout de son long dans une boîte qui se ferme avec un couvercle ; prennent de l’eau dans le creux de leur main, la jettent sur cette image, en disant : « N. Ego te bapttizo, etc. » Ils récitent ensuite le petit office de la Vierge, et quand ils en sont au psaume… entre generatione et generationem, ils prennent une épine d’O… de laquelle ils piquent légèrement l’endroit du cœur de l’image, et achèvent le petit office. Le lendemain, ils font la même cérémonie et enfoncent l’épine plus avant. Le troisième jour, ils en font autant et enfoncent l’épine tout entière, achèvent l’office, et le neuvième jour ils ont ce qu’ils souhaitent… » Dans un autre passage[2], il ajoute « qu’il étoit des prêtres assez malheureux pour dire des messes sur des images de cire, en faisant des imprécations contre leurs ennemis, jusques-là qu’ils en disoient dix et plus, afin que leurs ennemis mourussent dans le dixième jour… » Ces superstitions prouvent l’importance que le vulgaire attachait aux images.

  1. Vol. II, p. 81, édit. de 1741.
  2. Vol. III, p. 207, Rapport de Pierre le Chantre, Abréviat., chap. xxxix.