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[ ÉCRAN ]
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E

ÉCRAN, s. m. (garde-feu). Sorte de claie d’osier que l’on plaçait devant le feu afin de ne point être incommodé par la trop grande chaleur[1].

« Tables, tretiaulx, fourmes, escrans[2]. »

Les appartements, pendant le moyen âge et jusqu’au XVIIe siècle, étaient chauffés au moyen de très-grandes cheminées dans lesquelles on brûlait des troncs d’arbres énormes (voy. dans le Dictionnaire raisonné de l’architecture le mot Cheminée) ; ces feux devaient être tellement ardents, qu’on ne pouvait s’en approcher sans risquer tout au moins de roussir ses vêtements. Ces écrans d’osier, plus ou moins grands, tempéraient la chaleur qui arrivait tamisée à travers les mailles de la claie ; ils étaient montés sur pieds, de manière à pouvoir être posés comme bon semblait. On fabriquait encore des écrans de ce genre, dans l’ouest de la France, à la fin du siècle dernier ; souvent aussi on se contentait de les suspendre par deux boucles au manteau de la cheminée, pour pouvoir se chauffer les pieds sans avoir le visage brûlé. Nos aïeux prenaient, pour rendre le voisinage du feu agréable, une foule de précautions de détail qui indiquent combien on appréciait ce compagnon indispensable des longues soirées d’hiver. Si le feu était ardent et remplissait l’âtre, on approchait les écrans, petits et grands, que l’on disposait comme des mantelets pour tempérer le rayonnement de la flamme et de la braise ; si le feu commençait à s’éteindre et n’occupait plus qu’un petit espace du foyer, on s’asseyait sous le manteau de la cheminée, sur des escabeaux. Parfois des lambrequins, accrochés au manteau, préservaient le visage des personnes qui voulaient se chauffer debout, en se tenant d’une main à des poignées scellées sous le grand linteau de la cheminée.

Voici (fig. 1) la copie d’un meuble qui sert à la fois de siège et

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  1. « A Noël l’escrainier, pour II grans écrans d’osier ; à lui pour II petits écrans d’osier achetés pour la chambre du Roy et de Monseigneur de Valois. » (Compte des dépenses du roi Charles VI, année 1382.)
  2. Eustache Deschamps, le Miroir de mariage, XIVe siècle.