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[ DRESSOIR ]
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comme le ciel d’un lict, et ce qu’est derrière le dressoir, depuis en hault jusques en bas est à deux costez, bordé de quelque chose autre que le dorseret n’est ; et doit être la bordure d’un quartier de large ou environ, aussi bien au ciel que derrière.

« Item, sur le dressoir qu’estoit en la chambre de ladite dame, avoit toujours deux chandeliers d’argent, que l’on appelle à la cour mestiers[1], là où il y avoit toujours deux grands flambeaux ardens, tant qu’elle fut bien quinze jours avant que l’on commençât à ouvrir les verrières de sa chambre. Auprès du dressoir à un coing, il y avoit une petite tablette basse, là où l’on mettoit les pots et tasses pour donner à boire à ceux qui venoient voir Madame, après qu’on leur avoit donné de la dragée ; mais le drageoir estoit sur le dressoir[2]. »

Le dressoir décrit ici, placé dans la chambre d’Isabelle de Bourbon, femme du comte de Charollais, depuis Charles le Téméraire, fut garni ainsi richement, à l’occasion de la naissance de Marie de Bourgogne, qui épousa le duc d’Autriche. C’était un usage, lors des couches des princesses, de tenir leur chambre fermée pendant quinze jours, et de la décorer de tout ce que le trésor du palais contenait de plus précieux. Les étoffes prenaient une place importante dans ces meubles ainsi garnis, et servaient de fond à la vaisselle posée sur les gradins. On voit que l’étiquette, non-seulement imposait le nombre de ces gradins, mais aussi la forme et la dimension du dorsal, du dais et des bordures. Dans la chambre de parade, qui précédait la chambre de l’accouchée, il y avait un autre dressoir très-grand, tout chargé de grands flacons, pots et autre vaisselle d’argent doré, de tasses et drageoirs ; celui-ci était également couvert de nappes sur les degrés et autour, suivant l’usage. Marie de Bourgogne, comme fille du comte de Charolais, et héritière par conséquent, avait cinq degrés à son dressoir ; cependant les reines de France seules jouissaient de ce privilège. Une femme de chevalier banneret n’avait pendant ses couches que deux degrés à son dressoir ; une comtesse pouvait en avoir trois[3].

Les dressoirs n’étaient pas toujours disposés pour être adossés à la muraille ; ils étaient isolés quelquefois en forme de buffet (voyez ce mot), ronds, à pans ou carrés. Ce meuble ne paraît guère avoir été en usage avant le XIVe siècle, car, jusqu’alors, les plus riches sei-

  1. Mortiers, chandelles de nuit, qu’on appelait aussi mortiers de cire.
  2. Alienor de Poictiers, les Honneurs de la cour.
  3. Alienor de Poictiers.