Page:Viollet-le-Duc - Dictionnaire raisonné du mobilier français de l'époque carlovingienne à la Renaissance (1873-1874), tome 1.djvu/100

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
[ COURTE-POINTE ]
— 84 —

facilement soustrait, ou de le porter en croupe, de le réunir au bagage chargé sur des bêtes de somme[1].

La figure 8 explique la disposition des deux plaques de fer appliquées l’une sur l’autre ; la charnière occupe toute la largeur du coffret et est formée par les plaques de fer battu qui lui servent d’enveloppe (fig. 9).

L’Italie fournit beaucoup de ces petits meubles : on en trouve encore dans les trésors de nos églises ; ils sont généralement d’os ou d’ivoire sculpté et de marqueterie. Le trésor de l’église de Saint-Trophime d’Arles en possède un fort remarquable, qui parait remonter au XIIIe siècle (Pl. IV)[2]. Celui de la cathédrale de Sens en conserve un autre du XIVe siècle. On en voit un grand nombre dans nos musées et dans les collections particulières.

COURTE-POINTE, s. f. (coustepointe, keutespointe). Grande couverture doublée et piquée, que l’on posait sur les bancs et tous les meubles pouvant servir de siéges ou de lits de repos.

« … L’empereriz fist traire les dames et les damoiselles en une autre chambre, et entre li et le vallet s’asistrent sor une cheuche (un coussin) d’une coustepointe coverte et d’un drap de soie[3]. »

On admet volontiers que les meubles du moyen âge étaient de formes incommodes et dépourvus de garnitures d’étoffes, parce que, dans quelques musées, on voit des chaires de bois, de la fin du XVe siècle ou du commencement du XVIe, à dossiers droits, couverts de sculptures souvent, qui ôtent toute idée de s’appuyer. Mais ces meubles d’apparat ne servaient guère et n’étaient placés dans les appartements que pour la montre. Ce n’étaient qu’à l’occasion de certaines solennités que le chef de famille se plaçait entre les bras de ces chaires richement sculptées et recouvertes d’ailleurs d’un épais coussin.

Quant aux meubles d’usage, ils étaient bien garnis, non à demeure, comme le sont les nôtres, mais au moyen de ces coussins si nombreux mentionnés dans les inventaires du moyen âge, et de ces courtes-pointes jetées sur le tout comme une housse, courtes-pointes faites d’étoffes moelleuses, épaisses, doublées et piquées.

Cet usage permettait d’entretenir les étoffes des meubles, de les

  1. Nous devons ce petit meuble à M. Alaux, architecte de Bordeaux. Les dimensions de ce coffret sont : longueur, 0m,17 ; largeur, 0m,13 ; hauteur, 0m,10.
  2. Le dessin de ce coffret nous a été donné par M. Révoil, architecte à Nîmes.
  3. Le Roman des sept Sages, manuscr. Biblioth. nat., fonds Saint-Germain, no 1672.