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Les voûtes du transsept de l’église de Westminster, qui datent de 1230 environ, sont faites conformément au tracé indiqué dans le triangle D et dans la figure 33 ; c’est-à-dire que les divisions sont égales sur la courbe du formeret F (voyez le tracé perspectif P, fig. 34) et sur l’arc ogive O. Cet arc ayant un plus grand développement que le formeret, il y a donc plus de divisions sur l’arc ogive que sur ce formeret, et les rangs de moellons légèrement concaves s’inclinent sur cette branche O d’arc ogive. Il n’y a pas de lierne transversale pour masquer le chevauchage des rangs de moellons sur la ligne des clefs, mais il en existe longitudinalement déjà, comme l’indique la figure, de M en N. La naissance de la courbe des formerets étant en R, c’est-à-dire beaucoup au-dessus de la naissance des arcs ogives, il y a donc en ghi un triangle vertical faisant partie du tas de charge, et de la ligne ih, pour aller prendre le rang de moellons m (le premier qui commence la série des divisions égales), le constructeur a élevé une surface trapézoïdale ihmn, gauche (en aile de moulin). Ce n’est donc qu’à partir de la ligne mn que les divisions égales ont été faites à la fois sur le formeret et sur la branche d’arc ogive.

Il est facile de reconnaître qu’ici le praticien n’a pas eu d’autre idée que de simplifier son travail au moyen de ces divisions égales sur les deux arcs, de poser des rangs de moellons parallèles dans leur étendue, et d’éviter ainsi la taille de ces moellons sur le tas, exigée par le système français. Les conséquences de l’adoption de ce procédé simplificateur ne se firent pas attendre.

Dans la voûte française, les remplissages de moellons sont des voûtains courbes en tous sens, concavités reportant leur poids sur les nerfs de pierre, sur les cintres permanents. Chaque triangle de la voûte française est une cellule indépendante se maintenant d’elle-même. D’après ce qui précède, on voit que les constructeurs anglais ne considèrent pas les triangles de remplissages comme des voûtains, mais, comme des panneaux, ou plutôt encore comme une suite de couchis. En effet, admettons que l’on ait à poser sur des cintres combinés, comme le sont les arcs-doubleaux, formerets et arcs ogives (c’est-à-dire possédant chacun leur courbe propre) des couchis de planches, il est évident que ces couchis, ayant une égale largeur dans toute leur étendue, donneraient exactement la figure que reproduit le tracé P (fig. 34) ; que ces couchis ne pourraient se réunir parallèlement suivant la ligne des clefs du triangle, mais se chevaucheraient.

Les Anglais ont-ils fait des voûtes originairement composées d’arcs de pierre ou de courbes de bois, sur lesquelles ils auraient posé des madriers, des couchis, en un mot ? C’est possible ; d’autant qu’il existe encore en Angleterre, dans le cloître de la cathédrale de Lincoln, entre autres exemples, des voûtes ainsi construites et qui datent du XIVe siècle. Il ne faut pas perdre de vue que les constructions de bois ont de tout temps tenu une place importante dans l’architecture anglaise, comme dans l’architecture de toutes les races du Nord.