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[voûte]
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d’arête et la coupole sur pendentifs, parfaitement connue alors en Occident, puisque, depuis plus d’un siècle, des coupoles sur pendentifs avaient été construites dans l’ouest et le centre de la France[1]. La voûte d’arête romaine, formée par la pénétration de deux demi-cylindres, donnait, comme courbe de pénétration, une courbe plate qui inquiétait, avec raison, des constructeurs ne possédant plus les excellents mortiers de l’empire[2]. La coupole sur pendentifs demandait beaucoup de hauteur et exigeait un cintrage de charpente compliqué et très-dispendieux. Ces maîtres du XIIe siècle cherchèrent donc, comme nous l’avons déjà dit, un moyen terme entre ces deux structures ; ils rehaussèrent la voûte d’arête à la clef, ainsi, du reste, que l’avaient fait les Byzantins (voyez fig. 10). Mais, — et c’est alors qu’apparaît la véritable innovation dans l’art du constructeur, — ils firent sortir de la voûte d’arête romaine ou byzantine le nerf noyé dans son épaisseur, le construisirent en matériaux appareillés, résistants, et le posèrent sur le cintre de charpente ; puis, au lieu de maçonner la voûte autour, ils la maçonnèrent par-dessus, considérant alors cet arc laissé saillant, en sous-œuvre, comme un cintre permanent. Dans le porche de l’église abbatiale de Vézelay on voit déjà deux voûtes ainsi construites (1130 environ) ; mais c’est dans l’église abbatiale de Saint-Denis (1140) que le système est complétement développé. Là les voûtes sont plutôt des coupoles que des voûtes d’arête, mais elles sont toutes, sans exception, nervées parallèlement et diagonalement par des arcs de pierre saillants, et ces arcs sont tous en tiers-point, c’est-à-dire formés d’arcs de cercle brisés à la clef. Les déductions logiques de ce système ne se font pas attendre. Dans la voûte romaine, formée de cellules, comme nous l’avons vu figure 1 et suivantes, le remplissage de ces cellules est maintenu, mais est inerte, n’affecte aucune courbure qui puisse en reporter le poids sur les parois des cellules. Puisque les constructeurs du XIIe siècle détachaient les nerfs de la voûte, qu’ils en faisaient comme un cintrage permanent, il était naturel de voûter les remplissages sur ces nerfs, c’est-à-dire de leur donner en tout sens une courbure qui reportât réellement leur pesanteur sur les arcs. Ainsi la voûte était un composé de plusieurs voûtes, d’autant de voûtains qu’il y avait d’espaces laissés vides entre les arcs. Du système concret romain, — malgré les différents membres qui constituaient la voûte romaine, — les maîtres du XIIe siècle, en séparant ces membres, en leur donnant à chacun leur fonction réelle, arrivaient au système élastique. Bien mieux, ils inauguraient un mode de structure par lequel on évitait toutes les difficultés dont nous avons indiqué plus haut quelques-unes, et qui leur donnait la liberté de voûter, sans embarras, sans dépenses extraordinaires, tous les espaces, si irréguliers qu’ils fussent, en prenant les hauteurs qui leur convenaient, soit pour les naissances des arcs, soit pour les niveaux des clefs.

  1. Voyez Coupole.
  2. Voyez Construction, fig. 4.