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à une civilisation gréco-romaine présentent un caractère particulier. Dans leur structure, les éléments grec et romain ne sont pas juxtaposés, comme il arrive dans les édifices de la Rome impériale ; ils se mêlent sous l’influence de l’esprit clair et logique du Grec. Nous avons maintes fois fait ressortir cette singulière disposition de l’architecture romaine de l’empire[1], qui ne considérait l’art grec que comme une décoration quasi indépendante de la structure ; si bien que, dans tout édifice romain, on peut enlever cette parure empruntée à l’art grec sans affecter l’organisme, pour ainsi dire, de la bâtisse romaine.

Les édifices gréco-romains de la Syrie centrale procèdent tout différemment : les deux structures grecque et romaine se prêtent un mutuel concours : il n’y a plus l’ossature et le vêtement qui la couvre, mais un corps complet dans toutes ses parties. L’arc et la plate-bande ne sont plus réunis en dépit de leurs propriétés, ainsi que cela se voit si fréquemment dans l’architecture de l’empire, mais remplissent leurs véritables fonctions. Ce rationalisme dans l’art exerça évidemment une influence sur les Occidentaux, qui se précipitèrent en masses compactes dans ces contrées à la fin du XIe siècle. Il ne s’agissait plus de suivre de loin les traditions affaiblies de l’art impérial ; les croisés trouvaient dans les villes déjà abandonnées, mais encore debout, du Hauran, une architecture nouvelle pour eux, claire dans ses expressions comme une leçon bien faite, fertile en déductions, facile à comprendre et pouvant être appropriée à tous les besoins.

Dans ces édifices, la voûte d’arête n’existe pas, tout étant bâti d’appareil, mais bien le berceau, la coupole et le cul-de-four. Les arcs-doubleaux et archivoltes sont fréquents, et ces arcs-doubleaux qui forment travées portent, ou des plafonds de pierre, ou des charpentes, suivant que les localités possédaient ou ne possédaient pas de bois.

Nous allons rechercher comment ces dispositions ont dû avoir une influence directe sur la construction de nos voûtes occidentales, et firent abandonner le mode de structure des Romains. Voici (fig. 8) un fragment de la basilique de Chagga[2], dont la construction date du IIe ou du IIIe siècle de notre ère. Les travées de cette basilique sont étroites (2m,50 d’axe en axe des piles, en moyenne) et sont couvertes, entre les arcs-doubleaux, par des dalles épaisses ; une couche de terre battue revêtue d’un enduit formait une terrasse étanche sur le dallage supérieur. La construction se compose de piles à section carrée portant des arcs-doubleaux sur la nef principale, contre-butés par d’autres arcs-doubleaux bandés sur les collatéraux, lesquels soutiennent une galerie de premier étage donnant sur cette nef centrale. Le caractère particulier à cette construction, ce sont ces arcs-doubleaux qui composent l’ossature intérieure de l’édifice. Rien de semblable dans les constructions

  1. Voyez Entretiens sur l’architecture.
  2. Voyez la Syrie centrale, pl. xvi.