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[voûte]
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portion de voûte qui a déjà pu être élevée sans le secours d’un cintrage, mais à l’aide d’une simple tige de bois ou de cerces. Ces cintres ont été réunis par des planches ou couchis B, qu’il n’a pas été nécessaire de poser jointifs, planches assez épaisses pour ne pas plier sous la charge d’un homme. Sur ces planches, les maçons ont fait le carrelage C avec de grandes briques plates, comme on construit encore de nos jours des voûtes en tuiles ou carreaux de terre cuite, ciment ou plâtre[1]. Dès lors les ouvriers opéraient sur une croûte solide, homogène et pouvant résister à une charge. Les nerfs D ont été posés à l’aplomb de chaque cintre et formés de grandes briques carrées. Ces nerfs ont été disposés ainsi que l’indique le détail X, avec des doubles briques ab, de distance en distance, de manière à pouvoir couler dans la rainure laissée entre elles des planches P normales à la courbe. Le long de ces planches considérées comme dossiers, ont été posées les entretoises E en grandes briques se chevauchant. Après la prise du mortier maintenant les briques de ces entretoises, les planches P ont été enlevées, puis les cellules restant vides ont été remplies d’un blocage de tuf ou de pierre ponce et de mortier. Il est évident que si, à partir du niveau N, les maçons avaient dû bander une voûte de 0m,40 à 0m,50 d’épaisseur en briques ou moellons par le procédé ordinaire, c’est-à-dire en montant peu à peu les rangs de claveaux à partir de ce niveau N jusqu’à la clef, il aurait fallu des cintres de charpente et des couchis très-résistants ; car, ayant atteint le niveau M de la voûte, la pression de la bâtisse sur le cintrage eût été très-considérable et aussi forte sur les couchis que sur les cintres eux-mêmes. D’ailleurs les cintres de charpente se dessèchent, jouent toujours quelque peu dans leurs assemblages, et conservent difficilement leur courbure pendant plusieurs semaines, s’ils sont coupés sur un grand diamètre. Le carrelage C devant être fait très-rapidement et formant à lui seul un cintrage, les cintres de charpente pouvaient, sous ce carrelage, se dessécher et se déformer sans inconvénients. Ils n’étaient plus maintenus en place avec leurs couchis, que comme un surcroît de précautions. On voit encore les traces de ce carrelage, simple ou doublé, dans beaucoup de voûtes romaines[2]. Il recevait les enduits intérieurs qui adhéraient à sa surface au moyen des bavures du plâtre ou du mortier qui réunissait les briques posées à plat. Si la voûte était d’arête, le système employé était le même, et des arcs diagonaux de brique marquaient la pénétration des demi-cylindres. Ces arcs diagonaux (fig. 2) ne pouvaient être posés à la fois dans les deux plans courbes, qui ne donnent un angle droit qu’à la naissance de l’arête. En effet, lorsque deux demi-cylindres se coupent à

  1. Le plâtre a été employé par les Romains dans les circonstances indiquées ici, notamment au théâtre de Taormine, en Sicile, et dans les thermes d’Antonin Caracalla, à Rome.
  2. Notamment aux voûtes des thermes d’Antonin Caracalla.