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des voûtes que l’on renonce aux grisailles incolores. Les derniers panneaux que nous venons de donner, et qui appartiennent à la cathédrale de Troyes, occupent des fenêtres étroites, sans meneaux ; mais quand il s’agit de garnir de larges baies à meneaux, comme celles qui s’ouvrent sur nos vaisseaux à dater du milieu du XIIIe siècle, les peintres verriers renoncent à la grisaille incolore ; ils la zèbrent de filets rouges ou bleus, ils y sèment des rosaces et l’entourent de bordures colorées. Parmi ces grisailles on peut considérer comme étant des plus anciennes celles qui garnissent les fenêtres à meneaux de la chapelle absidale de l’église abbatiale de Saint-Germer. La construction de cette chapelle suit de peu celle de la sainte Chapelle du Palais à Paris, c’est-à-dire qu’elle remonte au commencement de la seconde moitié du XIIIe siècle. Bâtie d’un jet, ses vitraux en grisaille datent de l’époque de sa construction, et déjà ils montrent des bordures, quelques filets et des semis de rosaces colorés. Dans l’exemple (fig. 43), la bordure est composée de feuilles jaune safran sur fond bleu avec filet intérieur rouge. Les quatre lobes R sont également rouges. Dans l’exemple (fig. 44), la bordure se compose de fleurs de lis jaunes sur fond rouge sans filet intérieur coloré, et les rosaces sont formées d’un carré vert entouré de quatre demi-cercles rouges[1]. On remarquera que déjà dans ces grisailles les filets blancs ne sont plus cernés par un plomb que d’un seul côté, l’autre côté étant peint. C’était une simplification sur le procédé du commencement du XIIIe siècle, mais l’effet général perd l’ampleur et la fermeté de ces premières grisailles. Les fonds sont toujours un treillis très-fin fait au pinceau. Cependant, à la fin du XIIIe siècle, les filets de couleur deviennent plus nombreux, les rosaces plus importantes ; les treillis des fonds sont remplacés par un ton uni assez inégal, sorte de glacis qui a l’inconvénient de colorer ces fonds en bistre, ce qui ôte de la finesse aux grisailles. Parmi les plus belles grisailles de cette époque, ou du commencement du XIVe siècle, il faut citer celles de la cathédrale de Narbonne. Voici (fig. 45 et 46) deux de ces panneaux variés. Dans le premier, la bordure est composée de carrés jaunes peints, J, entre lesquels sont placés un verre bleu et un verre rouge, B, R. Pour le corps de la grisaille, les filets rectilignes sont bleus, les filets courbes, rouges, les rosaces ont le cœur jaune, le trilobe circulaire rouge et le trilobe angulaire vert, ou le contraire. Sur les verres blancs, l’ornement peint laisse entre lui et les filets de couleur une marge dépourvue de grisaille, qui fait ressortir très-habilement les tons rouge et bleu des entrelacs. Le tracé de cette verrière est à mentionner. La largeur du panneau AX entre les bordures a été divisée en six parties. De chacun des points diviseurs ont été tirées des lignes à 45° ; les centres des courbes, les filets courbes aussi bien que les filets rectilignes, se trouvent sur ce qua-

  1. Nos figures sont au quart de l’exécution. Ces dessins nous ont été fournis par M. Bœswilwald, qui a dirigé la restauration de la sainte Chapelle de Saint-Germer.